L'entreprise du XXIe siècle : nouvelle légende

La campagne de communication orchestrée à l'occasion des prochains Jeux de Pékin par Lenovo (contraction de legend et novo), constructeur chinois de PC ayant repris la division PC d'IBM, est emblématique du passage à une nouvelle phase de mondialisation. On connaît les contours de cette dernière : place centrale des pays émergents, présence à peine voilée des intérêts étatiques, organisation d'emblée globale, rôle central des marques, processus de production centré sur l'Asie.Lenovo, qui a toutes ces caractéristiques, souhaite être reconnu comme un acteur global en utilisant, approche originale, le produit phare d'IBM (le fameux ThinkPad) comme levier. Il s'agit d'échapper à la tendance des exportations chinoises à se vendre systématiquement, en moyenne à un prix deux à trois fois inférieur que les produits équivalents exportés par les économies avancées. Le consommateur ayant pris l'habitude depuis dix ans d'acheter un produit chinois à un tiers du prix d'un produit américain, comment lui vendre le même produit mais au prix américain ?Pour l'instant, Lenovo a en réalité décliné le slogan autrefois utilisé par un Nissan en recherche d'image européenne : "Made in quality". Les ThinkPad ne sont pas des ordinateurs chinois, mais des produits globaux, de qualité, selon la campagne. Ces efforts très coûteux consentis par Lenovo illustrent que les conditions de la concurrence internationale évoluent rapidement et imposent aux entreprises une adaptation en profondeur de leurs structures et de leur stratégie. Virages stratégiques. Les champions en devenir des pays émergents doivent trouver des solutions originales pour s'imposer, tandis que les champions des pays d'ancienne industrialisation doivent effectuer des virages stratégiques (celui de Big Blue est bien connu) pour rester compétitifs. L'image que nous en renvoient les performances internationales des entreprises européennes montre qu'une fraction infime des entreprises parvient à exporter, qu'un nombre encore plus réduit exporte vers plusieurs destinations, que ces destinations sont loin d'être systématiquement hors de l'Union européenne, et enfin, que seule une partie des exportateurs est en position d'investir à l'étranger. Les "champions" globaux sont donc une poignée d'entreprises. Pour un pays comme la France, un millier d'entreprises représente l'essentiel du processus d'internationalisation (par exemple 70 % de la valeur totale des exportations françaises). Ce type de phénomène se retrouve, à des degrés divers, dans l'ensemble des pays pour lesquels des données sont disponibles (États- Unis, Allemagne, Belgique...), même si les distributions de taille des exportateurs peuvent différer d'un pays à l'autre.Cette extrême concentration ne signifie pas pour autant que les situations sont figées. De nouveaux exportateurs apparaissent chaque année, voient le montant de leurs ventes à l'étranger augmenter rapidement : ces entreprises en pleine période de croissance sont plus productives que leurs concurrentes et ont de meilleures performances en termes d'emploi. Au final, les mouvements d'entrées-sorties auxquels nous assistons dessinent les contours de ce que pourrait être l'entreprise du XXIe siècle. Celle-ci sera probablement un hybride nouveau fait d'une articulation efficace entre ancrage local et organisation globale. Avec la société de la connaissance et en raison des externalités locales de connaissance, l'entreprise du XXIe siècle devrait rester — pour la partie stratégique de son activité — ancrée dans un territoire.À l'autre extrémité du spectre, l'entreprise du XXIe siècle sera également nécessairement globale. D'où la tension entre garder un ancrage territorial (headquarters ? centres de recherche ?) et organiser l'entreprise sur une base globale à tous les niveaux (implantations, recrutements, culture d'entreprise, produits). Lenovo a son siège à Raleigh (Caroline du Nord) et le site officiel de la société nous explique que "ses activités principales sont dirigées depuis Pékin en Chine et Raleigh en Caroline du Nord".Un rapide coup d'oeil à l'organigramme montre comment cette tension entre local et global a été gérée par la société : Yang Yuanqing à la tête du board, avec comme président et CEO le transfuge de Dell, William J. Amelio, diplômé de Stanford et ayant exercé ses talents chez IBM, Honeywell ou encore NCR. Suivent Deepak Advani, formé à l'université de Pennsylvanie, ou encore Christopher J. Askew, autre transfuge de Dell, passé par Compaq et Tandem, mais surtout ancien de la Banque d'Angleterre. Loin des clichés sur le "capitalisme" chinois.
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