L'assurance emprunteur, un autre sujet de friction entre élus et banquiers

Le gouvernement ne se trompe-t-il pas de cible, en voulant accroître la concurrence dans le domaine de l\'assurance auto ou habitation (avec la résiliation des contrats à tout moment) tout en délaissant d\'autres secteurs en situation de sous-concurrence manifeste ?La résiliation infra annuelle des contrats automobile ou MRH (Multi risque habitation), comme disent les professionnels, a été votée en première lecture, par l\'Assemblée nationale, à l\'occasion de l\'examen du projet de loi Hamon (sur la consommation). Mais, comme l\'ont souligné de nombreux députés, toutes tendances confondues, ce vote laisse de côté un pan entier de l\'assurance, où la concurrence ne joue que très peu, en tous cas beaucoup moins qu\'en matière d\'automobile ou d\'habitation, si l\'on en juge par les marges colossales que s\'octroient les acteurs : il s\'agit de l\'assurance emprunteur (contrats d\'assurance décès invalidité liés à la souscription d\'un emprunt immobilier, surtout). Le débat sur la résiliation à tout moment a ravivé les interrogations de nombreux parlementaires, tous partis confondus : ne serait-il pas possible d\'introduire une possibilité de résilier ces contrats d\'assurance emprunteur, non pas à tout moment, mais ne serait-ce qu\'une fois par an ?Aujourd\'hui, une telle résiliation est théoriquement possible. Mais la procédure est à ce point complexe, et les banques faisant évidemment tout pour la bloquer, que de telles velléités de changement d\'assureur n\'aboutissent que marginalement.De moins en moins de concurrenceLe marché de l\'assurance emprunteur est l\'un des rares qui, au fil des années, devient de moins en moins concurrentiel. La pratique ancienne était pour les banques de suggérer un « assureur maison », avec lequel elles avaient partie liée. Au milieu des années 2000, de nombreux emprunteurs ont compris tout l\'intérêt qu\'ils pouvaient avoir à aller trouver ailleurs un assureur, la plupart du temps moins cher. Jusqu\'à 30% des nouveaux prêts conclus faisaient alors l\'objet de ce que les banquiers appellent une délégation, c\'est-à-dire que les emprunteurs avaient recours à une autre assurance que celle suggérée leur conseiller bancaire.Mais ce chiffre est revenu autour de 15%. Aujourd\'hui, 85% des nouveaux prêts sont assortis d\'une « assurance maison », proposée par la banque.50% de marge, au profit des banquesComment expliquer un tel recul de la concurrence ? « Les banques ont bien vu l\'enjeu, y compris celles qui étaient auparavant assez souples à ce sujet » souligne Isabelle Tourniaire, responsable des études du cabinet BAO Conseil. « Elles ont fait pression sur les emprunteurs pour qu\'ils souscrivent l\'assurance proposée ». Il est vrai que l\'enjeu est de taille : selon les calculs de BAO Conseil, la marge dégagée sur ces contrats est de 50%. « En moyenne, les emprunteurs paient 480 euros d\'assurance par an, si la marge était nulle, ils ne paieraient plus que 240 euros » souligne Isabelle Tourniaire. Cette marge, l\'assureur ne la conserve pas, « elle va à 97% dans la poche des banques qui la « vendent » à leur client » relève Isabelle Tourniaire.Moscovici renvoie le débatInterpellé, le ministre de l\'Economie Pierre Moscovici a refusé de donner droit aux demandes des parlementaires. Ceux-ci, après s\'être opposés aux banques sur la question des frais, voulaient ouvrir une autre front contre le monde bancaire, avec la création d\'une vraie possibilité de résilier ces contrats au moins une fois par an, à l\'échéance. C\'eut été possible dans le cadre de la discussion du projet de loi Hamon, dont la discussion vient de s\'achever -en première lecture- à l\'Assemblée nationale, ou à l\'occasion de l\'examen de la loi bancaire, auparavant. Mais le ministre a préféré renvoyer à la seconde lecture de la loi Hamon, en janvier, arguant de la nécessité d\'études fiables sur le sujet. De là à dire que le lobby bancaire a pesé sur l\'attitude de Pierre Moscovici...Les banquiers évoquent un risque de \"démutualisation\"Pour justifier leur résistance à tout changement, banquiers et assureurs -ceux qui produisent de tels contrats pour les banques- mettent en avant le risque de « démutualisation » : aujourd\'hui, le marché serait équilibré, certes les jeunes emprunteurs paieraient un peu beaucoup en regard du risque qu\'ils présentent, mais cela compenserait un coût élevé pour les plus âgés. Un argument contestable : selon les calculs de BAO Conseil, les contrats sont rentables quel que soit l\'âge des souscripteurs.Il s\'agit bien, pour le monde de la banque, de conserver un profit net que BAO Conseil évalue à trois milliards d\'euros par an...     
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