« Sentiments provisoires » d'un bel égoïste

Par latribune.fr  |   |  404  mots
théâtreOn le sait. Les sentiments sont fragiles. Pourquoi un jour tout s'arrête ? Pourquoi la force d'aimer vous abandonne-t-elle soudain ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Souvent presque rien. Un mot, une habitude, une lassitude. Les choses de la vie quoi. Dans « Sentiments provisoires » qui se joue au Théâtre Édouard VII, l'auteur Gérald Aubert s'amuse de ces intermittences du c?ur, en fait des instants précaires où tout bascule dans un vide amoureux. Envolées les certitudes.Si la situation est classique, Aubert ne se situe pas du côté de Marivaux ni de Tchekhov, mais plutôt chez Sagan et Pinter pour la dramaturgie. Certes, on devine assez vite comment tout cela va se terminer mais on n'en boude pas pour autant son plaisir.Le trio est attachant et pas très moral. Il y a la femme (très jeune), le mari (plus âgé, égoïste) et l'ami de toujours, nouvel amant de la dame. Dès lors comment dénouer une situation impossible à vivre ? Avouer ? Partir, sans éprouver de la trahison, sans tuer l'amitié ? C'est tout le propos de la pièce, qui se déroule à la campagne dans un décor faussement rassurant. Trop beau pour ne pas cacher des dangers. Le tout bercé par une musique qui emprunte beaucoup à Ravel.Donc mise en scène intelligente, toute en douceur de Bernard Murat, qui sait laisser aller les comédiens là où ils se découvrent le mieux. Et ces comédiens-là sont formidables. D'abord Sylvie Testud, la femme, silhouette gracile, encore empêtrée dans sa jeunesse, volontaire et lâche à la fois, qui fera à la fin un pied de nez à toute cette histoire. François Berléand, l'ami de toujours sous la coupe de son copain mais qui est en train de lui ravir sa femme. Un personnage pleutre, sans révolte auquel le comédien donne parfois une dimension comique, mais jamais ridicule.la générosité mêmeEt surtout il y a Pierre Arditi, au sommet de son jeu, royal sans jamais écraser ses partenaires, interprétant comme s'il improvisait le texte dans l'instant, avec toujours ce sourire au coin des lèvres qui rend le spectateur complice de ce qui lui arrive. La générosité même. Il fait de l'émotion et du rire des instants de grâce qui bouleversent. n « Sentiments provisoires » au Théâtre Édouard VII. Tél. : 01.47.42.59.92.