Duel électoral sanglant à Las Vegas, meurtri par la crise

Par latribune.fr  |   |  695  mots
Diadèmes sur la tête et perchées sur des stilettos rose criard, un essaim de nymphettes glousse hystériquement. Ponctuant leurs piaillements de « oh my god ! » stridents, elles tirent de minuscules valises. « Nous enterrons la vie de jeune fille de notre amie ce week-end, explique l'une d'entre elles « cela va décoiffer !» Emportée par son excitation elle écrase les pieds d'un homme assis à terre. Le regard vissé vers le bas, loqueteux mais digne, il porte une pancarte : « Foreclosed on, Please help » (j'ai été saisi, aidez moi). Sans une excuse, ni même un coup d'oeil, elle poursuivra son chemin. Bienvenue à Las Vegas. La « ville du péché » (sin city) est un concentré des maux de l'Amérique qui a voté mardi, hantée par un taux de chômage et un endettement records. Le long du Strip, la célèbre avenue de Las Vegas, où néons agressifs côtoient des tours Eiffel et pyramides kitschissimes, les casinos continuent de tourner. « Mais les revenus des jeux déclinent de façon continue depuis trois ans, relève David G.Schwartz, directeur du centre d'étude sur les jeux à l'université du Nevada. « L'après 11 septembre avait déjà marqué un coup d'arrêt, mais rien à côté de l'amplitude que nous connaissons maintenant. » Les dépenses dans les casinos ont reculé de 20 % depuis 2008.Loin des 6 km qui modèlent le Strip, le spectacle de la ville n'est, en effet, que désolation. Des rues entières, bordées de maisons que l'on devine autrefois coquettes, sont désormais hérissées de panneaux « A vendre ». Jardins envahis d'herbes folles, amoncellement de détritus, meubles et cartons abandonnés à la hâte, le vent chaud qui souffle du désert proche, accentuent l'impression de ville fantôme. Jamais depuis la création de ce mirage en plein désert dans les années 40, Las Vegas n'avait connu une telle descente aux enfers. Entrainant tout l'Etat du Nevada dans une chute vertigineuse. Faillite spectaculaireLe taux de chômage y est le plus élevé du pays à 14,4 %, contre 3,8 % il y a tout juste dix ans. À Las Vegas il est de 14,7 % et selon « le Las Vegas Review Journal » « la réalité est plus proche de 20 % » Les saisies immobilières et retards de remboursements de prêts atteignent 23,6 % : un record au niveau national. « Tout doit partir ! » s'emballe Rick, un agent immobilier du site foreclosure.com, comme s'il s'agissait de casseroles. « Vous pouvez économiser jusqu'à 70 % sur le prix d'une maison, » poursuit-il avant de vanter les mérites d'une maison de trois chambres sur Evening Spirit Avenue, estimée à 117.000 dollars alors que ses propriétaires l'ont acheté 295.000 dollars. De fait, 80 % des biens immobiliers, selon les statistiques, valent moins aujourd'hui que l'emprunt contracté par leurs occupants. La faillite est spectaculaire et certains n'hésitent pas à définir Vegas comme un nouveau Détroit, la capitale industrielle du Michigan, devenue ville fantôme, en proie qui plus est à une criminalité galopante. C'est dire si le duel qui oppose le démocrate Harry Reid à la républicaine, issue du mouvement Tea Party, Sharron Angle monopolise toute l'attention des observateurs politiques. Et partant, cristallise les tensions qui mettent dos à dos l'électorat américain. Dans son modeste restaurant à l'écart du centre ville, Shirley fulmine : « Qu'on ne vienne pas me dire que la crise est finie ! Regardez autour de vous le nombre de gens au chômage. Non, ce qu'il faut, c'est tous les virer, Obama et Reid en premier. » Derrière elle, en petit mais néanmoins présente, une affichette annonce : « Ici on ne sert que les blancs, pas d'espagnols (sic) et de mexicains. » Triste illustration de la campagne aux relents nauséabonds menée dans le Nevada par Sharron Angle.Mardi à la mi-journée les sondages la donnaient gagnante à 48,6 % contre 46 % pour Harry Reid. Une avance ténue au terme d'une croisade violente qui tient moins aux aptitudes de la candidate qu'à l'exaspération croissante. Et le passage éclair, lundi soir, de la First Lady, Michelle Obama, après celui du président américain une semaine auparavant, venue soutenir le peu charismatique Harry Reid ne devrait pas suffire à inverser la donne.