DSK et le supplice du pal chinois

Quel lien entre le retour de « la machine à perdre » au PS (la bataille des primaires), et le basculement du monde vers l'Asie ? Réponse : DSK, bien sûr ! En visite jeudi en Inde, où il précédait (déjà !) Nicolas Sarkozy (qui y sera samedi), le directeur général du FMI a fait une petite déclaration qui ne manquera pas d'être commentée rue de Solferino ou dans le Poitou-Charentes. « À la fin de mon deuxième, troisième, quatrième mandat au FMI, quelqu'un d'une autre région du monde deviendra mon heureux successeur », a lancé Dominique Strauss-Kahn, trop heureux de brouiller un peu plus les cartes dans le jeu de barbichette qui met à rude épreuve les nerfs de ses compétiteurs. Adversaires que DSK, selon un sondage BVA publié jeudi, pulvériserait littéralement si les primaires avaient lieu ce dimanche. Deuxième mandat ? Voilà qui rappelle furieusement quelqu'un. Nicolas Sarkozy a, lui aussi, fait sensation dans son camp en glissant mardi un « je suis là pour deux mandats, pas plus ! », immédiatement interprété comme l'annonce d'une candidature implicite. Dans le supplice du pal (chinois), Dominique Strauss-Kahn est encore le plus sadique. Car, selon celui qui vient d'accorder plus de poids aux économies émergentes (notamment la Chine) dans le capital du fonds, son successeur à la tête du FMI tout comme le patron de la Banque mondiale « ne devraient pas être issus d'Europe ou des États-Unis ». Bien sûr, l'horizon n'est pas fixé. Mais cela sonne en creux presque comme une déclaration de candidature à la présidentielle française. En effet, le mandat de Dominique Strauss-Kahn à la tête du FMI s'achèvera en 2012. Or, il n'est pas du tout certain qu'il soit renouvelé, quels qu'aient été ses mérites, tout simplement parce que les pays émergents réclament la place de façon de plus en plus insistante.À 61 ans, l'ancien ministre des Finances de Lionel Jospin, considéré en 2006 par l'ambassadeur américain à Paris comme « le plus qualifié des candidats socialistes » (selon les fuites de Wikileaks), sera-t-il le nouveau « Jacques Delors » du PS ? Décidément bien inspiré, Craig Stapleton écrit que DSK « est de ceux qui gouverneraient bien plus volontiers que de faire campagne et qui, par conséquent, pourraient ne jamais avoir la chance de gouverner ». Exactement la thèse du livre qui lui a été consacré par l'auteur anonyme Cassandre. Ce qui est sûr, c'est que, en accélérant brutalement le calendrier des primaires, Ségolène Royal, qui propose (sans rire) Matignon à DSK - alors que selon BVA, il ferait un score six fois plus élevé qu'elle aux primaires et selon l'Ifop, 9 points de mieux au premier tour de la présidentielle ! -, oblige les loups à sortir du bois. Et c'est là que la petite histoire (française) rejoint la Grande, celle du monde. Car si « Dominique » y allait, alors un Indien, ou un Chinois, prendrait sa place à la tête du FMI. Et ce serait, à coup sûr, une révolution, que l'actuel directeur général a déjà anticipée en nommant comme conseiller spécial Zhu Min, l'ancien vice-gouverneur de la Banque de Chine. Un battement d'ailes de papillon à Paris suffirait donc à changer le cours des affaires planétaires et donner à la Chine, banque du monde, la reconnaissance qu'elle revendique à la table de la gouvernance mondiale. Bien sûr, nous sommes encore dans la fiction. Les Américains ne donneront peut-être pas si facilement les clés des institutions de Bretton Woods à un pays avec lequel la guerre monétaire et commerciale fait rage. Pourtant, à l'heure du G20, rendre DSK au Parti socialiste français, et demander à un directeur général du FMI chinois de négocier avec Pékin la réévaluation du yuan, est peut-être le moyen le plus habile d'obtenir celle-ci. Quant à savoir si cela sauvera le monde et en tout cas la France ? Dominique Strauss-Kahn le sait sans doute : le supplice du pal, cela commence bien, mais en général, cela finit mal... Raison de plus d'aller vite !ParPhilippe Mabille Rédacteur en chef et éditorialiste
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