Les crédits carbone sont-ils vraiment bidons ?

« Crédits carbone bidons », « effets pervers des crédits carbone », depuis la conférence de Copenhague en décembre 2009, la critique autour des crédits carbone s'est intensifiée. Elle continue à l'approche du nouveau round de négociations internationales sur le climat qui a lieu à Cancún. Qu'en est-il exactement ? Les critiques portent sur certaines catégories de crédits carbone offerts en contrepartie de projets environnementaux de destruction de gaz industriels, crédits générés dans le cadre du Mécanisme de développement propre (MDP), géré par l'ONU. Ces gaz, principalement HFC23 et protoxyde d'azote, sont des déchets industriels produisant un réchauffement climatique jusqu'à 12.000 fois supérieur à celui du CO2. Ces projets de destruction de gaz sont donc très rentables, grâce au marché du carbone. En conséquence, les émissions de HFC23 ont été drastiquement réduites en quelques années.En juin dernier, les ONG ont tiré la sonnette d'alarme, puis les autorités ont régulé le marché, face à l'inflation de ces crédits. Le bureau exécutif du MDP - organe onusien autorisant les projets MDP à générer des crédits carbone - a décidé de suspendre les nouveaux projets HFC23. De son côté, la Commission européenne vient d'annoncer l'interdiction d'utiliser à partir de 2013 la grande majorité des crédits carbone issus de gaz industriels, au sein du système européen de quotas carbone. Ces crédits représentent aujourd'hui 70 % des actifs en circulation, de quoi faire frémir les institutions qui les détiennent.Même si les lobbies du marché du carbone crient au loup, il faut relativiser la crise : ces restrictions sont anticipées depuis des années. Pour preuve, la proportion de nouveaux projets MDP visant les gaz industriels est en chute libre : parmi les crédits carbone qui seront émis entre 2010 et 2020, elle sera inférieure à 25 %.Concernant la qualité requise, soulignons que le MDP est avant tout un mécanisme de développement, c'est-à-dire qu'il doit contribuer à une amélioration du niveau de vie, de la santé, de l'éducation, du bien-être. Le protocole de Kyoto précise que ce développement doit être durable, c'est-à-dire avoir une action bénéfique sur les champs environnementaux, économiques et sociaux. La qualité environnementale ne se réduit donc pas au seul enjeu climatique, d'autres questions clés comptent : préservation des ressources naturelles, de la biodiversité, limitation des déchets, des consommations d'énergie, réduction de la toxicité pour les hommes et les écosystèmes...Quelle qualité ? Du point de vue de la performance en développement durable, comparons un projet HFC23 et un petit projet hydroélectrique en Afrique subsaharienne. Le premier réduit une grande quantité de gaz à effet de serre, mais n'a aucun autre impact environnemental, économique ou social notable. Le second réduit beaucoup moins les émissions de gaz à effet de serre, mais il est reproductible, évite l'utilisation de ressources fossiles (groupes électrogènes et lampes à pétrole), limite la déforestation, améliore la qualité de l'air dans les maisons, réduit les dépenses des ménages, permet l'émergence d'une activité économique là où l'absence d'électricité était un frein, il crée donc des emplois, enfin, il permet aux enfants de lire le soir et donc d'étudier.Conclusion : ne jetons pas l'anathème sur ce mécanisme dans son ensemble. Le MDP est le seul standard de qualité de crédits carbone qui fasse consensus à l'échelle internationale. Certes, il doit s'améliorer pour éviter les dérives constatées, il faut accroître à la source les exigences de qualité environnementale, sociale et économique des projets éligibles au MDP. C'est en marche. Depuis 2008, de nouvelles modalités du MDP nommées « Programm of Activities » permettent d'apporter aux populations locales des technologies propres, à grande échelle. C'est une grande avancée car ces programmes touchant les émissions diffuses ont souvent plus de cobénéfices que les projets centralisés. L'Europe doit par ailleurs garantir que les crédits carbone de haute qualité trouveront un marché après 2012. Accroître le niveau d'exigence pour l'obtention d'un crédit, c'est aussi réduire l'offre et donc contribuer à augmenter le prix de ces crédits, c'est-à-dire déclencher plus de projets qui, sans cela, n'auraient pas été rentables.Par Maximilien Rouer, président du directoire, à Becitizen Philippe Freund, directeur associé en charge de la finance carbone, à Becitizen
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