Un investissement vraiment liquide

Vous n'avez pas honte ? Tout ce vin englouti pendant les fêtes, ce succulent nectar disparu à jamais. Savez-vous la fortune que vous avez ainsi perdue ? L'or rouge que vous avez ingéré ? Vous auriez pourtant pu faire un bien meilleur usage de ces bouteilles : les garder fermées. Surtout, ne jamais les déboucher. Les regarder, peut-être. Les toucher, éventuellement. Mais les boire..., jamais ! Non seulement ce serait mauvais pour votre foie, mais cela serait calamiteux pour votre porte-monnaie. Car l'investissement dans le vin est désormais affaire de gérants professionnels qui ne boivent certainement pas. Depuis 1999, le vin a même sa Bourse, le London International Vintners Exchange, le Liv-ex pour les intimes (on peut sans se tromper parler de « volumes » d'échanges). Il a son indice phare, le Liv-ex 100, constitué essentiellement de grands vins de Bordeaux. Il a aussi quelques fonds d'investissement, qui se portent très bien. Les rendements de l'élixir de Bacchus sont en effet à rendre sobre un fêtard qui a fini sa bouteille. Le Liv-ex 100 affiche un rendement de presque 40 % en 2010 après, il est vrai, des années 2008 et 2009 en dents de scie. Le Wine Investment Fund, un fonds d'investissement créé en 2003, dégage 15 % en moyenne par an. Mi-novembre, une bouteille (certes de six litres) d'un château-cheval-blanc 1947 a réalisé un record mondial lors d'une vente aux enchères à Genève, à 299.097 dollars. Ce qui fait cher du verre... Mais ici, point de dégustation, de corps ou de niveau d'oxydation... Les goûts de banane ou les arômes de vanille ne fendent ni les coeurs, ni les papilles gustatives des investisseurs. Ceux-ci veulent des statistiques et des calculs savants, que le Wine Investment Fund résume ainsi : le bon vin est « une courbe d'offre inversée parfaite ». La formule, qui reste un peu en bouche, est un concept simple : le bon vin s'améliore avec l'âge, ce qui augmente son prix avec les années ; de plus, le nombre de bouteilles disponibles diminue, ce qui redouble la hausse. Il suffit donc d'investir dans les grands bordeaux des bonnes années (les seuls crus dont le marché soit suffisamment stable et liquide, sans mauvais jeu de mots), et le rendement est à peu près assuré. Au panthéon des investisseurs, les grands bordeaux sont donc irremplaçables, en tête desquels se trouvent les château-lafite, suivis des château-mouton-rothschild, latour et margaux. Exemple extrême avec une caisse de château-lafite 1986, achetée 3.200 euros en octobre 2005, et revendue... 19.000 euros en septembre dernier. Attention cependant à la cuite. Le Vintage Wine Fund, un fonds d'investissement, a connu une chute vertigineuse de 33 % en 2008, même s'il affiche un rendement de 8 % par an en moyenne depuis sa création en 2003. Certains vins connaissent des effets de mode qui peuvent passer très vite. C'est particulièrement vrai avec l'influence du marché chinois, qui découvre le vin. Certaines bouteilles ont gagné en prix sur le simple... changement de design de leur étiquette. Les Chinois consomment des « marques » de vin comme d'autres pour les sacs à main. Notons enfin que le vin est un paradis fiscal. L'investissement vinicole en Grande-Bretagne est exempté de taxe sur les plus-values : le fisc britannique considère que, pour un bien dont la durée n'excède pas cinquante ans, il n'y a pas lieu de l'imposer sur le capital. La TVA est également évitée, en stockant les bouteilles dans des entrepôts scellés d'État. Santé !
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