Reprendre depuis l'Antiquité le fil des événements qui ont fait de la Chine la deuxième puissance économique du monde : voilà ce que nous propose Caroline Puel, journaliste en poste à Pékin depuis près de trente ans et enseignante à Sciences po, dans « Les trente ans qui ont changé la Chine, 1980-2010 ». De cette exploration sur le long terme, il ressort un ouvrage documenté et didactique qui livre quelques clés de décodage. Ainsi, peu de nations sont animées, comme l'est l'empire du Milieu, d'une obsession aussi constante, nous dit-elle : « L'ambition avouée de Mao puis de ses successeurs Deng Xiaoping, Jiang Zemin, jusqu'à l'actuel président Hu Jintao, a été de rétablir la grande puissance chinoise. » Pour retracer quatre mille ans d'histoire, la sinologue a puisé dans ses nombreuses lectures, et surtout sa longue expérience de journaliste sur place. Depuis les premières formes d'organisation dynastiques, jusqu'à Xi Jinping, le dauphin de l'actuel président, en passant par la glaciation maoiste, la modernisation des années 1980 et les revendications salariales de 2010, le puzzle est méticuleusement reconstitué. Loin de l'histoire officielle tissée par les autocrates chinois, Caroline Puel relate des anecdotes édifiantes : en mars 2010, un journaliste de « Clarté », quotidien des intellectuels, lance une audacieuse question sur la réforme électorale, appuyé par un présentateur de CCTV, la chaîne de télévision nationale. Le plus étonnant, explique l'auteure, est que cette audace, qui aurait dû valoir les pires ennuis aux deux téméraires en temps normal, a cette fois amené le pouvoir à s'expliquer. Pourtant, Caroline Puel nous offre une vision prudente de l'avenir : la question de la démocratie divise les responsables qui donnent « la priorité pour l'instant à la poursuite du développement et au maintien de la stabilité du régime » et préfèrent « laisser traîner le plus longtemps possible la réforme politique ». Laurent Chemineau

latribune.fr

04 Févr 2011, 11:07

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