Salaires : l'Allemagne qui rit, l'Irlande qui pleure

Ce jeudi, les gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) examineront les dernières statistiques relevées dans la zone euro, notamment concernant l'évolution des salaires et de l'emploi. Les banquiers centraux risquent le mal de tête pour dégager une vue cohérente pour la zone euro. La BCE part en effet du présupposé qu'elle met en oeuvre une politique monétaire pour l'ensemble des 17 pays de l'euro et non pour chacun pris individuellement. Par le passé, elle a souvent fait le parallèle avec la Fed américaine qui mène une politique s'appliquant du New Jersey à la Californie. Las, la zone euro est segmentée en trois groupes de pays. Au bas de l'échelle figurent ceux qui ont dû drastiquement baisser les salaires, pour espérer gagner un peu en compétitivité et surtout réduire leurs dépenses publiques. L'Irlande est l'archétype de ce groupe qui rassemble le Portugal, la Grèce et dans une moindre mesure l'Espagne. En Irlande, les embauches se font régulièrement 25 % en dessous des salaires d'avant-crise ; les salaires des fonctionnaires ont été baissés de 15 % en moyenne... Pas question ici d'un simple gel des salaires. En moyenne, les revenus moyens hebdomadaires ont baissé de 3 % en deux ans, à 700 euros. Mais cette chute apparemment limitée cache de nombreux cas où la baisse a été beaucoup plus brutale. Kevin McLoughlin, spécialiste fiscal chez Ernst & Young, a ainsi accepté une baisse de 7,5 % de son salaire. Il estime pourtant que cela rend l'économie du pays plus attractive aux investisseurs étrangers. Cette politique est poursuivie par le gouvernement irlandais : ne pouvant dévaluer sa monnaie (sauf à sortir de l'euro), il utilise les salariés comme variable d'ajustement.Les fruits de tous les effortsÀ l'autre bout de l'échelle, les pays du « nord », des Pays-Bas à l'Autriche en passant par l'Allemagne. Outre-Rhin, le marché du travail a remarquablement résisté à la crise. Si le taux de chômage en 2009 est remonté à 8,2 %, il a fortement reculé à 7,7 % en 2010, revenant sous le niveau de 2008. Soutenu par l'effet démographique d'une population vieillissante, le marché du travail a évidemment profité et profite encore de la vive reprise économique (la croissance a atteint 3,6 % en 2010), mais il a aussi bénéficié de la retenue des patrons allemands durant la crise. Ces derniers, échaudés par les difficultés d'embauches qui ont suivi la crise du début des années 2000, ont évité les vagues de licenciements et ont eu massivement recours aux mesures de flexibilité mises en place par les réformes Schröder, ainsi qu'au chômage partiel. Après des années de restrictions, les salariés allemands peuvent enfin toucher les fruits de leurs efforts. L'an dernier, le salaire net a augmenté de 3,4 %. Les dernières négociations ont confirmé cette volonté de rattrapage. Au milieu de ces deux extrêmes, se situent les pays comme l'Italie ou la France qui ont tant bien que mal tenté de maintenir l'emploi durant la crise, mais peinent à dégager une croissance suffisante pour résorber le chômage qui s'est aggravé pendant la crise. F. P. W. avec E.A à Londres et R.G. à Francfort.
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