Air France-KLM : les dossiers chauds du nouveau PDG Alexandre de Juniac

Par latribune.fr  |   |  1472  mots
A la tête d’Air France depuis novembre 2011, Alexandre de Juniac a pris, ce lundi 1er juillet, les commandes d’Air France-KLM à la place de Jean-Cyril Spinetta. Frédéric Gagey, jusqu’ici directeur financier de la compagnie tricolore, lui succède à la présidence d’Air France. Avec Camiel Eurlings, le jeune président du conseil du directoire de KLM (40 ans), ils forment le trio qui a la lourde charge de redresser Air France-KLM. A la rentrée, le groupe va durcir son plan de restructuration. Les dossiers chauds sont nombreux. Trois ont retenu notre attention.Le moyen-courrier, une bombe socialeLe plus compliqué reste le redressement du réseau court et moyen-courrier d’Air France qui plombe les comptes du groupe depuis plusieurs années. En 2012, la perte d’exploitation d\'Air France sur cette partie du réseau s\'est élevée à 700 millions d’euros, 100 millions de plus qu’en 2011. Plus précisément, l\'urgence est redresser la barre sur le réseau court-courrier dit de point-à-point de la compagnie française (par opposition aux vols en correspondance) face aux compagnies à bas coûts comme Easyjet, Vueling ou Ryanair. Malgré les mesures du plan Transform 2015,  la situation du moyen-courrier ne s’améliore pas (elle ne se détériore pas non plus) et va encore peser sur les comptes du 1er trimestre, dit-on en interne. La solution ? Elle est simple sur le papier. « Tout le monde sait que le sens de l’histoire est de transférer tout ou partie du réseau court et moyen-courrier d’Air France à Transavia, (la filiale à bas coûts, ndlr) et, par conséquent de réduire les coûts des escales françaises, plus élevés que ceux de nos concurrents, et de manière générale les coûts à l’heure de vol (ce qui implique aussi des baisses de coûts du côté des navigants, ndlr)», explique un très bon connaisseur de l\'entreprise. « Le plus compliqué est de trouver le cheminement pour y arriver », ajoute-t-il. L’équation tourne en effet au casse-tête. « Si l’on veut se battre contre les low-cost, le minimum est de faire comme elles », fait observer un syndicaliste d’Air France. Or, basculer tout ou partie d’une activité (en clair les vols de point-à-point, c’est à dire les vols au départ d’Orly et des aéroports régionaux) vers un fonctionnement « low-cost » en ayant recours à plus de sous-traitance est explosif sur le plan social. Notamment dans les escales en régions où les coûts d’Air France sont supérieurs à ceux de la concurrence (personnels de pistes, qui traitent le chargement des avions et ceux au contact du client en charge de l’enregistrement et de l’embarquement).Des sureffectifs chez le personnel des aéroportsCar leur surcoût par rapport à la concurrence est un problème de sureffectifs, de productivité moindre que les concurrents pour des salaires plus élevés. « L’élément clé, c’est la grille horaire du personnel, elle n’est pas adaptée à la charge de travail. Il faut qu’elle s’adapte au programme de vols et non l’inverse », résume un observateur. Pour le personnel dit \"commercial\" au contact du client dans les aérogares, le sureffectif augmente au fur et à mesure que s\'accroît chez les passagers l’utilisation des nouvelles technologies, notamment celles permettant de s’enregistrer soi-même. Résultat : sur les 4.300 personnes travaillant dans ces escales en régions, il y aurait un sureffectif d’environ 25%, au moins, dit-on en interne, soit entre 1.000 et 1.500 personnes grosso modo. « Malgré les mesures d’économies, le traitement en escale est encore trop cher », poursuit-on. L\'hypothèse peu probable d\'un plan de départs volontairesEn juin Les Echos évoquaient le lancement d\'un PDV concernant 1000 personnes. Les deux plans de départs volontaires (PDV) lancés en 2009 et 2012 n’ont pas rencontré de vif succès au sein des personnels des aéroports de province, en particulier dans le sud de la France. « Ce sont des zones très touchées par le chômage. Les gens ne partent même avec un gros chèque », constate un observateur. Pas sûr donc que l’hypothèse d’un nouveau PDV change la donne. Que faire alors ? C’est un peu l’inconnu. « A part proposer un plan salaires contre emplois, je ne vois pas comment Alexandre de Juniac peut faire », explique un bon connaisseur de l’entreprise. Car procéder à des départs contraints provoquerait des forts remous sociaux et l’ire des élus locaux et de l’Etat, actionnaire à 15,7% d’Air France-KLM.Négocier avec les pilotes En outre, l’élargissement du périmètre de Transavia aux dépens d’Air France ne sera pas non plus une partie de plaisir avec les pilotes d’Air France. Difficile, en effet, de voir les pilotes épargnés par un nouveau tour de vis si le personnel au sol se voit demander beaucoup. En clair, en cas de transfert de l’activité court-courrier de point-à-point d’Air France vers Transavia, les pilotes d’Air France auront du mal être transférés chez Transavia en conservant leurs contrats Air France. Ils devront probablement appliquer les contrats de travail en vigueur chez Transavia. Et ces derniers devront être modifiés car, à l\'époque de la création de Transavia France en 2006, ils ont été négociés par le syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) pour dissuader la direction de transférer des vols d’Air France vers Transavia. En gros, appliquer à Air France les règles de la filiale low-cost (dont les vols sont plus longs que ceux d\'Air France, plus courts) ne permet pas d\'obtenir la même performance en termes de coût au siège kilomètre offert, de 4,8 centimes aujourd\'hui chez Transavia, contre 11,5 centimes chez Air France. Si Alexandre de Juniac veut aller plus loin avec Transavia, il devra négocier avec le SNPL. Jamais facile.Le cargo, un dossier essentiellement chez KLM
L’autre grand sujet d’Air France-KLM, c’est le cargo. Là, le dossier concerne davantage KLM qu’Air France. La compagnie hollandaise possède encore 14 appareils tout cargo répartis au sein de KLM et de Martinair, quand Air France n’en compte plus que 5, après avoir réduit ses capacités tout cargo ces dernières années pour se concentrer sur le remplissage des soutes des avions passagers. Au final, il y a donc deux compagnies au sein du groupe avec trois types d’avions tout cargo. Certains plaident pour que l’activité tout cargo soit identifiée soit à Paris, soit à Amsterdam, avec une flotte dédiée et des pilotes d’Air France et de KLM affectés à cette entité. Un scénario qui risque de provoquer des risques sociaux au sein de la compagnie qui perdrait son activité tout cargo, à Amsterdam notamment.Le casse-tête AlitaliaEnfin, sur la scène internationale, le dossier Alitalia va occuper les réflexions d’Alexandre de Juniac cet été. La compagnie italienne va prochainement annoncer un nouveau plan de restructuration et va avoir besoin d’aide. Ce plan permettra au conseil d’administration d’Air France-KLM de se de prendre une position, à la rentrée ou à l’automne, sur l’avenir de son partenariat avec la compagnie italienne, dans laquelle le groupe français détient 25% du capital. Car la question d’une augmentation de capital d’Alitalia va se poser et Air France-KLM devra se prononcer sur une prise de contrôle de la compagnie italienne ou du suivi de cette augmentation du capital à hauteur de sa participation. En raison de la situation de la compagnie italienne, de sa dette importante (1 milliard d’euros), des difficultés du marché italien, mais aussi de la situation d’Air France-KLM (qui n\'a pas besoin de s\'éparpiller), les sceptiques sont très nombreux dans le camp français. Car le risque d’exécution est important. Jean-Cyril Spinetta était l’un des rares à soutenir une acquisition d’Alitalia, le meilleur moyen, selon lui, pour préserver les positions du groupe sur le quatrième marché européen. En juin, il a d’ailleurs commandité une étude interne complète pour qu’Air France-KLM ait toutes les cartes en mains le jour où il faudra se prononcer. L’idée d’une offre conjointe avec un cavalier blanc est également possible. Deux noms ont été cités dans la presse. La compagnie d’Abu Dhabi Etihad Airways qui a bel et bien été approchée de manière officieuse, et Aeroflot, un scénario qui n’est pas jugé crédible en interne chez Air France.