Le bloc-notes de Stéphane Soumier

STRONG>Dictionnaire On a joué sur les mots cette semaine, on a commencé avec « tendu », on a fini avec « rigueur ». Pour « tendu », franchement, c'est une cause perdue. Il a essayé, François Baroin, « tendu, c'est une droite, une trajectoire rectiligne », voilà comment il rectifiait le tir, mardi matin « Ça veut dire qu'on ne dérogera pas à cette règle, sous aucun prétexte. » Sauf que non. Ça ne veut pas dire ça. Allez voir l'outil formidable mis au point par l'université de Caen (www.crisco.unicaen.fr). L'idée est de dire que les mots ont un sens, que l'on peut même en faire une représentation graphique (« visualisation de l'espace sémantique »), et, pour « tendu », vous avez dans l'ordre : pénible, cruel, triste, affligeant, dur, douloureux. C'est ça, « tendu », et ça n'est rien d'autre. Et finalement, je me suis demandé toute la semaine pourquoi François Baroin n'avait pas simplement revendiqué ces termes. Oui, chers citoyens, ce sera pénible et douloureux. Il pouvait même se contenter de « difficile », l'outil sémantique universitaire le met en bonne place. Les antonymes, d'ailleurs, réservent une surprise (en tout cas pour moi) : vous trouvez très vite « abandonn頻, et donc « tendu », ça peut donner : un objectif « difficile mais qu'on ne peut pas abandonner ». Pourquoi ne pas assumer cette phrase-là publiquement ? Pourquoi ne pas oser considérer que nous sommes adultes ? J'ai posé la question à quelques responsables politiques : vous allez modifier la Constitution pour y écrire l'obligation d'une trajectoire de réduction des déficits. Fort bien. Pourquoi ne pas tenter le référendum ? Pourquoi ne pas saisir cette chance formidable de faire de ce combat un combat national et collectif ? Tous m'ont répondu la même chose : « Parce qu'on sait qu'en situation de référendum, l'électeur de répond pas à la question qui lui est posée. » Eh bien je fais le rêve qu'il le ferait cette fois-ci.Qui allez-vous croire ?Personne pour défendre la Société Généralecute; Générale. Absolument personne. C'est incroyable, vous pouvez monter au sommet de la hiérarchie financière, discuter du sujet avec ceux qui font tourner les masses les plus importantes sur les marchés, tous pensent, en parlant de l'affaire Kerviel, que la banque a vu quelque chose, et qu'elle a laissé faire. Et pourtant, l'acte judiciaire par lequel va s'ouvrir le procès dit le contraire. Il est rédigé par Renaud Van Ruymbeke. C'est capital, parce qu'il est invraisemblable de soupçonner cet homme-là de la moindre compromission. Et M. Van Ruymbeke est catégorique : Jérome Kerviel, « non sans une certaine ingéniosit頻, a réussi à maquiller l'ensemble de ses positions invraisemblables, profitant, et cela aussi est clair dans l'ordonnance, de l'incompétence de sa hiérarchie immédiate, le patron du desk Delta One, fraîchement nommé, qui dira pendant l'instruction : « C'était mon premier poste dans une équipe de trading, avant cela je n'avais jamais passé d'ordre. » Incompétence, rien d'autre. Cela aura-t-il le moindre poids face aux idées reçues les plus puissantes du moment ? Face à Jérôme Kerviel, qui dira qu'on l'a laissé jouer tant qu'il gagnait ? Finalement, ce procès va poser une question très simple : trois ans après les subprimes, peut-on croire à nouveau ce que disent les banques ? Ensemble, c'est toutJe reste sidéré du peu d'écho accordé à la déclaration de François Fillon jeudi soir : « Il n'est pas question de se soumettre à je-ne-sais-quels diktats des spéculateurs et des marchés, mais il est dangereux d'ignorer leurs avertissements. » Est-ce qu'on prend la mesure des changements du discours au sommet de l'État ? On écoute les marchés ? C'est un virage discret, parce que c'est Fillon qui le dit, mais c'est un virage considérable. « Ce sera la clé de la stabilisation, me dit d'ailleurs Claude Garnier, le patron d'Aforge Finances. Tout va se baser sur la capacité des gouvernements à maintenir cette écoute. Finalement, les choses sont simples : quand il y a un problème, négliger l'une des parties, c'est toujours un tort. » Avouons qu'il a fallu quand même beaucoup de bruit et de fureur pour en arriver là.
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