« Bad bank » : différer pour mieux diluer la facture... payée par le contribuable

Quand les difficultés d'une banque sont telles qu'elles sont susceptibles de déclencher un risque systémique, une brutale contraction du crédit ou la fuite des déposants, les États n'ont d'autre choix que de la recapitaliser sans attendre ou de sortir les « actifs pourris » de son bilan. Quand ils ne veulent pas ou n'ont plus les moyens de recapitaliser les établissements, ils choisissent la deuxième voie, visant à cantonner les problèmes en faisant supporter le risque futur sur le contribuable. C'est précisément ce qu'ont choisi de faire les États-Unis en 1989 pour sauver leurs « Savings & Loans », la Suède en 1992 pour Nordbanken et Gotabank, la Finlande et le Japon en 1993. Et surtout la France qui, au milieu des années 1990, a dû créer des « bad banks » à répétition pour sauver le Crédit Lyonnais, le Crédit Foncier, le Comptoir des entrepreneurs et la compagnie d'assurance GAN, tous empêtrés dans la crise immobilière.Car le principe d'une « bad bank » est de placer des actifs « illiquides », tels que mauvaises créances ou obligations décotées, dans une structure de cantonnement ad hoc. Avec plusieurs objectifs : débarrasser l'établissement de ses problèmes, et des pertes afférentes, pour qu'il puisse se consacrer intégralement au financement de l'économie ; et prendre le temps de vendre l'intégralité des actifs compromis en attendant des temps meilleurs, pour limiter les moins values... lesquelles seront supportées au fur et à mesure des cessions par le contribuable. Car c'est l'État qui garantit le financement de cette structure et de ce fait, en assume les pertes. Ainsi, la « bad bank », promise à une extinction progressive, doit-elle en principe permettre d'étaler et de réduire les pertes pour la collectivité, tout en préservant le système bancaire. C'est pourquoi nombre de pays, où existe une tradition de soutien public aux établissements financiers ont choisi de créer des « bad banks » pour leurs établissements pris dans la crise des subprimes : l'Allemagne pour West LB en 2008 (77 milliards d'euros cantonnés) et surtout pour Hypo Real Estate, la banque des collectivités, qui en 2010 a transféré pas moins de 174 milliards d'euros à la FMS Westmanagement. Mais aussi l'Irlande, où la National Asset Management Agency a repris une petite moitié des créances immobilières des banques irlandaises, soit 73 milliards d'euros. En revanche, ni l'Angleterre, qui a préféré nationaliser ses banques en les forçant à céder des actifs, ni les États-Unis, où le secrétaire d'État au Trésor d'alors, Henry Paulson, avait, après la chute de Lehman, évoqué la création d'une gigantesque « bad bank » à l'automne 2008, n'ont fait ce choix. Valérie Segond
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