« Les socialistes auraient dû proposer un effort partagé pour préserver la capacité productive de la France »

STRONG>Jean-Marc Daniel, professeur d'économie à l'ESCP-EuropeQuelle lecture inspire le programme du PS pour 2012 à l'auteur de l'ouvrage « le Socialisme de l'excellence » (*) ? J'y vois trois erreurs de programmation. Primo, la volonté de conserver des mesures quantitatives, alors que l'expérience montre que les bonnes idées, lorsqu'elles sont reprises et répétées à chaque élection comme la réduction du temps de travail, ont des rendements décroissants. Secundo, la vision punitive des inégalités sociales, en cherchant plus à brider les riches qu'à inciter les pauvres à améliorer leur situation. Tertio, la manière de faire de l'État un but en soi et non un outil efficace au service de ses citoyens. La crise a tout de même démontré l'importance du rôle de l'État. Est-ce que la vision socialiste n'exprime pas justement cela ? Non, car les socialistes français en ont une interprétation erronée, basée sur une vision idéologique de l'affrontement entre riches et pauvres. Alors que les travaillistes anglais et les démocrates américains ont compris que le véritable affrontement de la modernité opposait les gens de talents aux rentiers, les socialistes français se sont rangés du côté des rentiers du secteur public et de ceux qui défendent coûte que coûte leur statut face aux changements du monde, sans craindre de bloquer la société. Pendant que le SPD allemand mettait en oeuvre les réformes Hartz pour lutter contre le chômage, avec l'efficacité que l'on sait, que les sociaux-démocrates suédois adoptaient la flexisécurité et fondaient leur nouveau modèle sur l'innovation, et que les Hongrois et les Slovaques comprenaient que l'accumulation excessive de dépenses publiques conduit tout droit à la dette et à l'inflation qui appauvrit, les socialistes français refusent toujours de réformer leur logiciel. Il est clair que leur programme est déconnecté de la réalité de notre économie : les besoins de réduction du déficit sont sans commune mesure avec ce qu'ils proposent ! S'ils sont élus, au bout de combien de jours, pris entre Bruxelles et les agences de notation, devront-ils changer de cap ? Au lieu de faire des promesses intenables sur la croissance, ils auraient dû proposer un effort partagé pour préserver notre capacité productive, comme l'a fait David Cameron au Royaume-Uni qui a réduit l'impôt sur les sociétés et accru la taxation du patrimoine. Quels sont selon vous les arbitrages politiques qui ont présidé à l'élaboration de ce programme ? Ce programme, construit autour de symboles très forts de la gauche, a été conçu pour servir la candidature de Martine Aubry. Quel autre candidat pourrait donc se l'approprier ? En tout cas, ni Dominique Strauss-Kahn, ni François Hollande. Si malgré tout, le directeur du FMI se décidait à entrer dans la course, il serait contraint d'ignorer ce programme, et de jouer la campagne sur sa carrière. Ce faisant, il devrait batailler au centre de l'échiquier politique. Pour se donner toutes les chances aux présidentielles, le PS a également privilégié les Verts, en proposant la sortie du « tout nucléaire », à ses anciens alliés communistes, ainsi qu' à la frange productiviste de la gauche. Il est clair que, pour 2012, le PS table davantage sur son électorat de fonctionnaires que sur les classes populaires, dont il redoute les aspirations anti-européennes. (*) « Le Socialisme de l'excellence. Combattre les rentes et promouvoir les talents. » 2011. François Bourin Éditeu
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