La BCE, pionnière de la hausse des taux du groupe des Sept

Ce jeudi 7 avril restera une date clé dans l'histoire de la Banque centrale européenne. Car c'est ce jour que Jean-Claude Trichet et les sages du Conseil des gouverneurs, pionniers du G7 en la matière, ont choisi pour reprendre leur liberté en matière de gestion de la politique monétaire « conventionnelle » de la zone euro - celle qui régit les taux d'intérêt -, après la crise la plus grave qu'ait connue le monde depuis les années 1930. Après vingt-trois mois de gel de son taux directeur au plancher historique de 1 %, la BCE va reprendre l'initiative en relevant le taux de refinancement, vraisemblablement d'un quart de point à 1,25 %, enclenchant l'inflexion d'un cycle de baisse des taux inédit par son ampleur, conséquence de la faillite retentissante de la banque américaine Lehman Brothers en septembre 2008 et du tsunami financier qui a suivi. Certes, les mesures non conventionnelles de soutien au système bancaire, via des injections massives de liquidités, des prêts à taux fixe en quantités illimitées d'argent banque centrale et des rachats de titres de dette publique sur le marché secondaire, continueront de n'être que très progressivement levées pour ne pas mettre en péril des économies encore sous perfusion. Mais la BCE va apporter la première touche à l'éradication de ce que tout banquier central eut, en d'autres temps, considéré comme une aberration : le maintien de taux d'intérêt réels fortement négatifs alors que l'inflation devient une menace tangible, qui prive l'institut d'émission, gardien de la stabilité des prix, de son outil principal de maîtrise de l'évolution des prix.Car l'inflation dépasse depuis décembre la ligne rouge de 2 % en glissement annuel fixée par la BCE. Selon l'estimation d'Eurostat, l'indice a bondi à 2,6 % en mars. Et ses débordements commencent à contaminer toute la chaîne de production, comme en atteste la flambée des prix à la production. Les effets tant redoutés de second tour ont commencé, justifiant cette hausse que - une fois n'est pas coutume - les politiques n'ont même pas cherché à prévenir.Pour en amortir les effets, la BCE dispose d'un levier qu'elle devrait actionner. Lorsqu'elle avait abaissé son taux de refinancement au plancher de 1 %, la BCE avait réduit du traditionnel 100 points de base à 75 points l'écart qui le sépare de son taux plancher - le taux des dépôts - alors maintenu à 0,25 %. En restaurant la fourchette historique, ce taux qui rémunère les dépôts des banques commerciales auprès de la BCE n'aurait pas besoin d'être majoré. Il est probable qu'elle choisira cette option, se cantonnant à son rôle de pourfendeur de l'inflation tout en préservant les conditions de financement des banques.Cette hausse des taux en solo a aussi cela d'exceptionnel qu'elle donnera le leadership à l'Europe sur les États-Unis en matière de durcissement des conditions de crédit pour la première fois depuis quarante ans. Les acteurs du marché des changes ne s'y sont pas trompés. Ils ont porté l'euro à son plus haut niveau depuis janvier 2010 face au dollar, l'entraînant au-dessus de 1,43.
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