Quand la CGT ose la lucidité

Par latribune.fr  |   |  395  mots
La Confédération générale du travail est une très vieille dame qui va fêter ses 115 ans. Les autres syndicats, les partis politiques et la Constitution elle-même sont des gamins en comparaison. À l'occasion de son 49e congrès, qui s'ouvre ce lundi à Nantes, saluons donc l'ancêtre avec la déférence due à son âge, mais pas seulement pour ça. La CGT est aujourd'hui beaucoup moins momifiée qu'elle ne l'était il y a vingt ou trente ans. La preuve, elle regarde la réalité en face et l'expose sans fard. « Notre nombre d'adhérents stagne, notre présence nous met au contact de 4,2 millions de salariés [?]. Nous sommes davantage présents là où les effectifs décroissent et faibles là où l'activité se développe, et ce constat s'étend à la fonction publique. Il nous devient de plus en plus difficile, sauf à se payer de mots, de prétendre représenter l'ensemble des salariés. » Ce n'est pas l'ennemi de classe qui s'exprime en termes aussi durs et clairs, c'est la CGT elle-même, jadis championne de la langue de bois. Ce diagnostic est posé dans un document de janvier 2009 intitulé « Réflexions et pistes de travail sur les structures de la CGT », rédigé par la « Commission ad hoc » nommée par Bernard Thibault en vue du congrès confédéral. L'ensemble du paysage syndical français y est analysé avec lucidité, quoique sans défaitisme. La CGT reste persuadée, comme par le passé, que seule la lutte paie. Mais il n'est pas sûr que Bernard Thibault reprendrait à son compte la réponse d'Henri Krasucki un jour que le président de la République, François Mitterrand, avait invoqué la nécessité de préserver la paix sociale : « La paix sociale, c'est la paix des humiliés, des opprimés à qui on impose le silence. » Sous l'actuelle direction, en place depuis 1999, la CGT a diversifié son action. Elle est la seule à s'être intéressée au problème des salariés sans-papiers, dont le mouvement a du coup débouché sur des régularisations en grand nombre. En revanche, à l'instar des autres syndicats, elle n'a rien fait contre le grand scandale qu'est l'exclusion des jeunes du marché du travail. Question de génération, sans doute. sgherardi@latribune.fr Sophie Gherard