La Commission europénne soupçonnée d'abus de pouvoir

Derrière son large bureau situé à deux pas de la Commission européenne, Daniel Guéguen s'amuse du nouveau pavé qu'il vient de lancer dans la mare bruxelloise. Battant en brèche les idées reçues sur le traité de Lisbonne, ce lobbyiste chevronné considère que la Commission jouira à l'avenir d'un pouvoir encore plus large, au détriment des autres institutions. Dans son dernier et bref essai ("Lobbying européen" édité chez LGDJ) où il dénonce la dérive technocratique de l'Union européenne, il appelle cela « le pouvoir confisqué ». "Comitologie"Bruxelles adopte chaque année quelques 2.500 textes d'application, dont 500 de nature quasi-législative. Cette « comitologie » est aux directives et règlements européens ce que les décrets d'application sont aux lois françaises : un prolongement méconnu mais indispensable. Elle n'intéresse le plus souvent que les lobbyistes et leurs avocats... sauf exception. Et il y en a quelques-unes de taille. L'affaire du vin rosé trouve son origine dans une proposition de règlement d'application. Idem pour l'importation des poulets à la javel américains, l'autorisation du maïs génétiquement modifié ou les normes comptables internationales devenues un abcès de fixation des ministres des Finances. « Ce sont des mesures spécifiques mais qui peuvent avoir un impact important sur les producteurs et les consommateurs », confirme Ruud Schers, à la confédération agricole Copa-Cogeca."On discute après"Or le traité de Lisbonne modifie le système qui voulait que la Commission soumette chaque texte d'application à des « comités » formés d'experts nationaux avant de leur adoption. Les actes dits délégués, les plus généraux (on parle d'une petite centaine par an), seront à l'avenir adoptés directement par la Commission, sur la base d'un mandat qui lui sera donné dans chaque texte législatif par le Parlement et le Conseil. Ces derniers pourront certes s'opposer au texte mais a posteriori. « La Commission adopte et on discute après », résume Daniel Guéguen. Communication 'bisounours'Au Parlement, on voit les choses autrement. Cette semaine, un communiqué saluait dans la réforme rien moins qu'un « rai de lumière dans les arcanes bruxellois ». Le président de la commission Environnement Jo Leinen, « un grand saut en avant ». Les députés se retrouvent certes sur un pied d'égalité avec le Conseil des ministres bardés de leurs cohortes d'experts venus des ministères. Mais en pratique comment vont-ils, alors qu'ils sont déjà débordés, exercer ces droits de révocation et d'opposition sur des textes techniques dans le bref délai de 2 à 3 mois proposé par la Commission ? Un rapport parlementaire tente de défricher le sujet. « Pour l'instant, on est dans la communication 'bisounours', mais les choses ne sont pas simples », reconnaît un collaborateur du Parlement. La Commission, qui assure s'en tenir au traité de Lisbonne, se dit « désireuse de discuter avec les législateurs en vue d'un accord interinstitutionnel ».« Parler de progrès pour la démocratie est une perversion intellectuelle », se gausse l'essayiste-lobbyiste, habitué des coups de gueule. En 1994, il dénonçait dans l'accord de Marrakech la mort de la Politique agricole commune (PAC) et, quelques années plus tard, jouait les Cassandre en assurant que lUunion monétaire européenne était condamnée faute d'union politique et d'harmonisation fiscale. Cette fois, il attend de voir.
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