Tibhirine, par-delà le bien et le mal

Par latribune.fr  |   |  497  mots
Attention au malentendu. Ceux qui attendent, avec « Des hommes et des dieux », une réponse au mystère de l'assassinat en 1996 des sept moines cisterciens de Tibhirine en Algérie seront déçus. Loin de toute polémique, l'oeuvre de Xavier Beauvois ne permet pas d'avancer vers la vérité (qui sont les vrais auteurs du massacre ?). Il conviendra plutôt d'attendre encore quelques mois, puisque certains documents officiels ont récemment obtenu la levée du « secret défense ». Le très beau film de Beauvois ? Grand Prix du dernier Festival de Cannes ? préfère nous plonger dans l'intimité de huit moines français vivant au monastère de l'Atlas ? le nom Tibhirine n'est jamais évoqué dans l'opus ? en harmonie avec leurs voisins musulmans. On les suit pas à pas dans leur quotidien. L'un travaille aux champs, pendant qu'un autre soigne sans relâche la pauvre population locale. On les retrouve pour la prière commune à la chapelle ; on participe à leurs échanges. Le film est lent sans jamais être ennuyeux, l'image de toute beauté (tournage au Maroc) et la parole rare. Beauvois voulant signifier à quel point ces hommes de bien avaient réussi à atteindre un niveau de sagesse rare.scènes somptueusesMais, hélas, ces huit moines vont être rapidement rattrapés par la tragique histoire de l'Algérie, en proie à une montée de l'intégrisme islamique durant les années 1990. L'armée les presse de quitter les lieux. La petite communauté plonge dans le doute. Beauvois capte parfaitement les tourments qui agitent chacun d'eux. Certains veulent partir « car il ne sert à rien de mourir en martyr », d'autres préfèrent rester pour ne pas abandonner ceux qui comptent sur eux. Finalement, pas un seul ne quittera le monastère. Ce qui conduira à leur perte.Beauvois a su admirablement saisir les derniers jours de ces hommes à travers quelques scènes somptueuses. Telle cette poignée de mains entre le supérieur du monastère et le chef d'un commando islamiste, deux fous de Dieu, chacun à sa façon : l'un débordant d'amour... l'autre de haine. Ou encore cette lutte sonore entre un hélicoptère de l'armée qui tournoie au-dessus du monastère dans un vacarme assourdissant pour faire fuir ses occupants alors que les moines, eux, entament un chant liturgique. Et que dire de cette véritable scène des temps modernes où les huit moines, sentant leur fin proche, se réunissent pour un dernier repas. Beauvois filme chacun de leur visage en plan rapproché pendant que retentit le « Lac des cygnes » de Tchaïkovski. C'est grand ! Le casting est extraordinaire, emmené par Michael Lonsdale (frère Luc) et Lambert Wilson (supérieur Christian de Chergé) véritablement transfigurés dans leurs rôles respectifs. En mémoire de tous ces moines assassinés, il faut citer les autres : Olivier Rabourdin (Christophe), Philippe Laudenbach (Célestin), Jacques Herlin (Amédée), Loïc Pichon (Jean-Pierre), Xavier Maly (Michel) et Jean-Marie Frin (Paul).