L'OPA sur Cadbury prend une tournure politique

Par latribune.fr  |   |  401  mots
groalimentaireL'OPA de l'américain Kraft sur le britannique Cadbury prend un tour politique. Peter Mandelson, le puissant ministre de l'Industrie britannique, a décidé de jouer la carte du nationalisme économique. « Ne croyez pas que vous pouvez venir ici [en Grande-Bretagne, Ndlr] et réaliser un rapide profit de court terme, a-t-il averti vendredi. Sinon, vous allez faire face à une gigantesque opposition, non seulement des employés et de la population locale, mais aussi du gouvernement britannique. » Venant d'un ex-commissaire européen au Commerce, l'avertissement est pour le moins inhabituel.L'affaire se déroule alors que Kraft a formellement soumis son OPA sur Cadbury vendredi, au tout dernier jour autorisé par le régulateur britannique. Le document envoyé aux actionnaires propose, comme Kraft l'avait indiqué le mois dernier, une offre en cash et actions d'environ 10,1 milliards de livres (11,2 milliards d'euros).cacao équitableCadbury enverra lundi prochain sa réponse formelle aux actionnaires, mais son rejet est connu depuis longtemps. Sa stratégie de défense, elle, est plus nouvelle. Elle met en avant la « culture » de l'entreprise. Créé à Birmingham par des quakers il y a près de deux cents ans, Cadbury est très ancré dans l'imaginaire britannique, ses plaquettes Dairy Milk et ses Golden Eggs en chocolat ayant bercé l'enfance de millions de personnes. L'image est renforcée par Bournville, village modèle près de Birmingham créé par la famille Cadbury à la fin du XIXe siècle, où une usine est encore présente. À cela s'ajoute le passage du groupe cette année au cacao équitable pour tous les Dairy Milk vendus en Grande-Bretagne, soit 300 millions de tablettes par an. De quoi se donner une image de groupe responsable et très implanté culturellement face à un géant américain produisant des produits sans âme que serait Kraft.L'argumentaire laisse perplexe. Cadbury ne réalise que 24 % de son chiffre d'affaires en Grande-Bretagne (et encore cela inclut-il l'Irlande) et son directeur général, Todd Stitzer, est? un Américain. Ces dernières années, il a surtout cherché à croître dans les marchés émergents. Cette défense pourrait servir à attendre qu'une contre- offre émerge : Hershey, Ferrero et Nestlé seraient intéressés. Todd Stitzer l'a dit : Hershey, géant du chocolat aux États-Unis, a une culture paternaliste qui montre « de claires similarités » avec celle de Cadbury. De quoi sauver l'esprit de Bournville, sans doute? Éric Albert, à Londre