Messerschmidt, un truc de fou

Rides profondes, rictus grimaçants, expressions extrêmes, le crâne toujours chauve, les yeux clos ou ouverts, la tête rentrée dans les épaules ou au contraire projetée en avant. Sa vie durant, Franz Xaver Messerschmidt (1736-1783) a ausculté les stigmates de la folie à travers ses sculptures, dont le Louvre a acheté un exemplaire en 2005. Le musée propose aujourd'hui, pour la première fois en France, tout un échantillon de ces « Têtes de caractère » réalisées par cet artiste allemand du XVIIIe siècle finalement peu connu hors des frontières de l'Europe centrale, où il effectua sa carrière, entre Vienne et Presbourg (actuelle Bratislava).Travaillées dans le marbre, le plomb, l'étain ou l'albâtre, ni signées, ni datées, ces oeuvres dont on ignore le nombre exact, sont demeurées dans l'atelier de l'artiste jusqu'à sa mort. Redécouvertes à Vienne au début du XXe siècle, elles étaient recherchées par des collectionneurs amateurs de Klimt et de Schiele. Quant aux disciples de Freud, ils se sont emparés de l'oeuvre de Messerschmidt pour en faire des interprétations psychanalytiques : elles s'y prêtent idéalement.Classées stylistiquement, les « Têtes de caractère » évoquent les passions et les obsessions d'un homme qu'on a dit fou, paranoïaque ou schizophrène. Reflets de la propre folie de l'artiste, qui, dès 1771, date à laquelle il se voit refuser un poste qu'il convoitait à l'Académie des beaux-arts de Vienne, s'installe à Presbourg ? Études des expressions des passions héritées des gravures de Charles Le Brun dont l'enseignement académique est un modèle en Europe à cette époque ? Évocations des travaux du médecin Franz-Anton Mesmer, dont les recherches sur le magnétisme animal et le spiritisme ont pu influencer l'oeuvre de l'artiste ? Toutes ces pistes d'interprétations sont possibles, puisque Messerschmidt ne s'est jamais exprimé directement sur l'origine de ses sculptures.Toujours est-il qu'exposées au Louvre, la trentaine d'oeuvres réunies pour l'occasion aux côtés de portraits de la Vienne des lumières et de la cour impériale, exaltent une étrangeté singulière, une caractérisation de la laideur à travers une plasticité et une maîtrise de la sculpture exceptionnelles. Francine Guillou « Franz Xaver Messerschmidt (1736-1783) » au musée du Louvre jusqu'au 25 avril 2011. www.louvre.fr. Catalogue de l'exposition : « Franz Xaver Messerschmidt (1736-1783) », coédition Louvre/Officina Libraria, 224 pages, 39 euros.
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