Le Louvre rêve à l'antique

Par latribune.fr  |   |  490  mots
Salon de 1747 : les jolis minois du peintre François Bouchet n'ont que peu de jours devant eux. Le style rocaille français est dorénavant vilipendé par les critiques. Le retour à l'antique a été amorcé depuis quelques années, notamment grâce aux découvertes archéologiques qui se multiplient au XVIIIe siècle. Pourtant, ce renouveau stylistique profond ne s'opérera pas sans heurts et débats : tel est le propos de l'exposition présentée au Louvre « Antiquité rêvée. Innovations et résistances au XVIIIe siècle ».Ce goût émerge vers 1720 en Angleterre, quand les aristocrates, revenus de leurs voyages en Italie, se font représenter à travers des bustes « à l'antique ». En France, il faut attendre que l'Académie royale de peinture effectue une rénovation profonde et pédagogique, enjoignant ses artistes à copier inlassablement les antiques récemment redécouverts. Le débat est historicisant et érudit : les querelles sont nombreuses, entre les Anciens, pour qui la Grèce est la référence, et les Modernes, tournés vers une Rome vertueuse et martiale. « L'Amour taillant son arc dans la massue d'Hercule » exécuté en 1750 par le sculpteur Edme Bouchardon est l'illustration parfaite de ce retour à l'étude du modèle antique et du modèle vivant.Les artistes débattent, expérimentent et s'enflamment pour cette Antiquité fantasmée. À rebours, certains font le choix du contre-courant. Ainsi le néobaroque se pare de couleurs, d'effets, de mouvements. En France, Fragonard ou Pajou s'opposent à la sobriété de Joseph-Marie Vien, le maître de David. La principale résistance vient d'Europe du Nord. Le « sublime » se nourrit de la mode gothique des romans anglais. Les tableaux se peuplent de monstres, de fantômes, de noirceur. C'est sans doute la partie la plus intéressante de l'exposition, avec un prêt exceptionnel du musée de Détroit, « le Cauchemar » de Füssli, peint en 1781. Mais la marche vers le néoclassique ne peut être arrêtée : les Modernes triomphent, Rome est élevée au rang de référence ultime. Les vertus citoyennes sont louées au travers de héros simples et courageux, dignes et loyaux. David signe le « Serment des Horaces » en 1785. La sobriété, la rigueur et les vertus républicaines exaltées dans le tableau en font une oeuvre déjà révolutionnaire.L'exposition est complexe car les commissaires ont souhaité proposer un parcours quasi exhaustif de la naissance du courant néo-classique et de ses résistances. Peinture, sculpture, dessin, arts décoratifs, architecture, tous les arts plastiques sont représentés dans les quelque 150 oeuvres d'artistes convoqués de toute l'Europe et des États-Unis. Il n'en reste pas moins que cette « Antiquité rêvée » éclaire avec brio une quête du renouveau pictural. ? « L'Antiquité rêvée. Innovations et résistances au XVIIIe siècle » au musée du Louvre jusqu'au 14 février. www.louvre.fr