L'erreur partagée de Nicolas Sarkozy et de Martine Aubry

Avant l'été, le paysage de l'élection présidentielle de 2012 semblait vouloir s'esquisser : un hyperprésident impopulaire mais incontesté dans son camp et une première secrétaire du Parti socialiste requinquée par une victoire aux régionales, en passe d'égaler, voire de dépasser, le plus populaire des dirigeants du PS, Dominique Strauss- Kahn.Aujourd'hui, la photo est loin d'être fixée. Car Nicolas Sarkozy et Martine Aubry ont commis la même erreur : sous-estimer des rivaux au sein de leur propre camp.Pour avoir annoncé en juillet un remaniement qui n'interviendra qu'en novembre, le chef de l'État a ouvert une période de turbulences au sein de la majorité. L'Élysée, Matignon et l'UMP sont visés par la restructuration conçue pour consolider l'édifice sarkozyste avant la campagne de 2012, qui s'annonce difficile pour le président sortant. Tous les appétits s'aiguisent, toutes les ambitions se réveillent. À commencer par celle de François Fillon, Premier ministre, dont, depuis trois ans, on a célébré tantôt l'effacement, tantôt l'affirmation. Tous ceux qui ont regardé jeudi dernier « À vous de juger », sur France 2, ont été frappés par la mise en scène de la sérénité de l'hôte de Matignon. Le temps qui court jusqu'à son départ ou son maintien au poste de Premier ministre est un temps utile pour François Fillon. Le chef du gouvernement, populaire dans l'électorat de droite et respecté à l'UMP, impose peu à peu une image très différente de celle du chef de l'État. Partisan de la « vérit頻, François Fillon parle sans fard de la rigueur et des efforts nécessaires pour conserver à la France sa place parmi les pays économiquement sûrs.Cette ascension tranquille bouscule les scénarios jusqu'ici en vigueur à droite, et du coup perturbe la stratégie de Nicolas Sarkozy. Certes, personne ne va encore jusqu'à prédire un retrait du chef de l'État sortant en 2012. Mais nombreux sont ceux qui prennent date en prévision d'une campagne qui s'annonce très difficile. À commencer par Jean-François Copé. Le président du groupe UMP de l'Assemblée vise désormais la direction du parti présidentiel pour éviter que François Fillon s'en empare et pour s'imposer comme le leader idéologique de la bataille électorale à venir. Un nouveau risque pour Nicolas Sarkozy...Martine Aubry déteste le tempo médiatique imposé depuis trois ans par Nicolas Sarkozy. À chaque initiative du chef de l'État répondent les indignations quasi automatiques de ses opposants. La première secrétaire du Parti socialiste a toujours dit vouloir échapper à ce piège qui transforme les leaders de la gauche en commentateurs de l'action présidentielle. Oui, mais en cette rentrée qui n'est pas comme les autres, la discrétion de la patronne du PS, que ce soit sur le dossier des retraites ou sur les expulsions des Roms, transforme un choix stratégique en simple contretemps.Imagine-t-on François Mitterrand déléguer à Michel Rocard le soin de ferrailler à la télévision contre une loi élaborée par Valéry Giscard d'Estaing ? C'est pourtant ce qui s'est passé la semaine dernière. François Fillon était donc sur France 2 pour un exercice de « pédagogie » sur la réforme des retraites. Martine Aubry a décliné l'invitation qui lui était faite de débattre avec le Premier ministre, laissant Ségolène Royal, à la traîne dans les sondages depuis plusieurs mois, monter en première ligne. L'ex-candidate de 2007 avait certes été dûment conseillée par les spécialistes du PS mais elle portait le contre-projet des socialistes « de façon personnelle », comme l'a joliment reconnu la députée Marisol Touraine. La présidente de Poitou-Charentes a promis « solennellement » que le PS reviendrait à « la liberté de partir à la retraite à 60 ans » s'il gagnait la prochaine présidentielle. Interpellés vendredi à l'Assemblée par Jean-François Copé, qui a estimé que Ségolène Royal avait fait « tomber les masques », les responsables du PS ont « assumé pleinement » les engagements pris par l'ex-candidate. Ségolène Royal a ainsi pris l'ascendant sur les autres présidentiables du PS, plus prudents dans leur expression sur les retraites.Derrière ces affrontements Sarkozy-Fillon et Aubry-Royal se dessinent d'autres rivalités, impliquant à droite Alain Juppé ou Dominique de Villepin et à gauche Dominique Strauss-Kahn ou François Hollande. Les occasions de trébucher se multiplieront dans les mois qui viennent. Le chef de l'État et la Première secrétaire du PS sous-estiment des rivaux au sein de leur propre camp.
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