« Les critères ISR seuls ne suffisent pas à créer de la performance »

En 2007, l'Edhec publiait une étude sur les fonds ISR (investissement socialement responsable) distribués en France et concluait qu'aucun des fonds analysés ne produisait une performance significative. Une mise à jour de cette étude a été faite. Vos conclusions générales ont-elles changé ?Non, la recherche conduite en 2010 donne des résultats assez semblables dans l'ensemble à ceux que nous avions mis en avant en 2007. Les fonds qui suivent un processus de sélection de valeurs et de construction de portefeuilles sur la base des seuls critères ISR ne créent pas de surperformance vérifiable et significative. L'alpha de l'ISR n'est toujours pas, aujourd'hui, une valeur mesurable.L'approche « purement ISR » est donc insuffisante pour délivrer de la performance ?Nous sommes confrontés à la fois à un problème statistique et à un problème économique. Le fait que nous n'ayons pas de sous-performance ou de surperformance statistiquement significatives doit nous amener à des conclusions prudentes. Il est par exemple faux de dire que les fonds ISR sous-performent, même si la très grande majorité d'entre eux ont des alphas négatifs, car ceux-ci ne sont pas statistiquement significatifs. De la même façon, dire que notre recherche démontre qu'il n'y a pas sous-performance en se référant à cette non-significativité statistique n'est pas non plus acceptable. La conclusion est que, en l'état actuel des données, il n'est pas possible de mesurer sérieusement la valeur ajoutée créée par un pur processus ISR. D'un point de vue économique, les conclusions peuvent être un peu différentes. En effet, il y a un réel coût d'opportunité à investir dans une catégorie de gestion active dont la valeur ajoutée n'est pas mesurable alors que, par ailleurs, d'autres gestions ou techniques peuvent démontrer leur efficacité. C'est, à mon avis, le vrai sujet pour l'avenir de l'ISR. L'idée de prendre en compte les externalités positives ou négatives de l'activité des entreprises et, plus globalement, d'utiliser des critères de long terme non financiers est en soit probablement justifiable sur le plan de la rentabilité financière de très long terme de l'investissement mais aussi souhaitable d'un point de vue plus global et sociétal. Mais pourquoi rendre cette approche exclusive de la prise en compte des avancées de la recherche en finance de ces cinquante dernières années ? Pourquoi rendre l'analyse multicritère de la sélection des titres incompatible avec une bonne diversification du portefeuille s'appuyant sur une mesure robuste des corrélations entre ces mêmes valeurs ?Pour l'Edhec Risk Institute, l'ISR a toute sa place dans un processus intégré et global de gestion et non exclusif des approches quantitatives qui sont porteuses de valeur ajoutée, notamment grâce à la bonne diversification des portefeuilles qu'elles promeuvent. C'est tout le sens d'une initiative que nous allons prendre avec la construction d'indices ISR efficients en partenariat avec FTSE et l'Erafp.Un focus est réalisé sur la période 2007-2009. Les fonds ISR se sont-ils démarqués des fonds traditionnels pendant la crise ?Pas vraiment. L'approche ISR n'a pas protégé les investisseurs contre les conséquences de la crise financière. Ce n'est pas une surprise. Tous les résultats de la recherche en finance montrent que la sélection de titres n'est pas une méthode de gestion des risques efficace et ne protège pas l'investisseur contre les pertes extrêmes. Parler de l'ISR comme d'une solution ou d'une évidence après la crise est une posture plus idéologique qu'une vérité scientifique. La démarche ISR ne justifiera ni les discours populistes anti-marchés ni les catastrophes, fussent-elles environnementales ou de gouvernance. En effet, ni Enron ni BP n'étaient les plus mal notées. Au final, nous pensons que l'avenir de l'investissement socialement ou « environnementalement » responsable passera par la démonstration de sa réelle valeur ajoutée économique de long terme.Vous distinguez les fonds ISR et « green ». Leurs performances sont-elles différentes ?Avec les précautions à prendre en l'absence de significations statistiques, on peut remarquer que les fonds « verts » ont de meilleures performances ajustées du risque que les fonds ISR traditionnels, notamment pour les fonds diversifiés internationalement qui évitent l'écueil de la concentration sectorielle. Contrairement à l'opinion couramment répandue, cette performance n'est pas fortement influencée par les variations des prix du pétrole. Pour essayer de mieux comprendre la performance des fonds « verts », l'Edhec Risk Institute a lancé un programme de recherche sur le sujet. Des premiers résultats seront présentés lors de la conférence Green Investing 2010 qui se déroulera à Nice le 10 décembre prochain.
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