EDF piégé en Sibérie

Par latribune.fr  |   |  347  mots
On croirait un mauvais polar. Ou peut-être même un bon, avec ce qu'il faut de demi-vérités et de rebondissements qui nous conduisent dans l'un de ces décors improbables, propices aux films noirs : Seversk, ex-Tomsk-7, l'une de ces villes de Sibérie soustraites aux regards étrangers. C'est là, comme l'ont révélé « Libération » et un documentaire d'Eric Guéret et Laure Noualhat diffusé ce soir sur Arte, que plus de cent tonnes d'uranium appauvri, issu de notre parc de centrales nucléaires, finissent chaque année sur un parking à ciel ouvert. Un trajet de 8.000 kilomètres en bateau, du Havre jusqu'à Saint-Pétersbourg, puis en train. Il n'y a rien là d'illégal, EDF n'exportant pas à proprement parler des déchets ? cela lui est interdit par la loi Bataille ?, mais des matières radioactives recyclables. Il n'y a, non plus, rien de directement dangereux, même si l'on peut s'interroger sur la réaction des Français si on stockait ces résidus à proximité de chez eux. Mais il y a quand même la surprise et un soupçon d'opacité. Peu de monde, semble-t-il, était au courant de ce périple, hors les entreprises concernées, Areva et EDF. Et il y a surtout des questions sur la pertinence des choix, hors arrière-plan militaire, qui ont conduit la France à opter pour le retraitement des matières nucléaires. Un choix que peu de pays ont fait. Il n'est partagé que par le Royaume-Uni, le Japon et la Russie. Les autres, à l'image des États-Unis, laissent refroidir leurs déchets dans des « piscines », avant de les stocker dans l'attente d'une technologie permettant de s'en débarrasser. Cette affaire met en lumière un certain nombre de faux-semblants sur lesquels repose notre filière nucléaire. Les matières radioactives, que l'on croyait réutilisables à 96 %, le sont en réalité à beaucoup moins que cela. Et les 4 % de déchets dits « ultimes », hautement radioactifs, ne sont pas seuls à rester sur les bras. La vérité est dérangeante. pagay@latribune.fr pierre-angel gay