« La dette du groupe est sous contrôle »

Bruno Lafont, PDG de LafargeLe lourd endettement de Lafarge est lié à l'acquisition du cimentier égyptien Orascom début 2008. N'avez-vous pas acheté Orascom trop cher et au mauvais moment ?Il est très difficile de réécrire les scénarios d'autant que, dans ce genre d'opération, on n'a pas nécessairement le choix de la date. Orascom est une excellente opération sur le plan stratégique. Avec Orascom, nous nous sommes renforcés dans des pays émergents en forte croissance où nous avons acquis des actifs de première qualité, qui constituent une plate-forme remarquable pour des développements futurs et qui génèrent aujourd'hui des cash-flows significatifs utiles dans la période actuelle. La dette que nous avons contractée à cette occasion était parfaitement acceptable lorsque nous avons réalisé cette acquisition. Avec la crise financière, notre endettement doit être réduit. Nous nous y employons. Lafarge a un réservoir de puissance et des atouts extrêmement solides. Nous sommes un leader mondial sur tous nos marchés et bénéficions d'un portefeuille géographique inégalé. Je suis très prudent à court terme, mais au sein de l'industrie cimentière, dont nous sommes le numéro un mondial, nous serons les premiers bénéficiaires du redémarrage. Devrez-vous procéder à une nouvelle augmentation de capital ?Ce n'est pas le plan ! La dette de Lafarge est managée, elle est sous contrôle. Lafarge est un groupe en sécurité, dont la situation financière est saine.Certes, nos marchés sont très corrélés à la situation macro-économique, ce qui suscite des phénomènes d'amplification à la hausse ou à la baisse. La récession a été très sévère dans le secteur de la construction. Aux États-Unis, les mises en chantier de logements neufs ont été divisées par quatre pour passer de plus de 2 millions d'unités avant la crise à près de 500.000. En Europe, la chute des marchés de l'immobilier résidentiel s'est étagée, selon les pays, entre 15 % et 50 %. À l'inverse, dans les pays émergents, la croissance est comprise entre 6 % et 10 % et atteint parfois 15 %. Mais à présent, même si certains marchés continuent à souffrir, on assiste globalement plutôt à des phénomènes de stabilisation, et, dans certains cas, nous constatons un premier redressement. Ma vision des marchés reste favorable sur le moyen terme, car le rebond peut être très rapide, même si je suis prudent sur le court terme.Vous avez annoncé fin juillet que vous alliez porter les cessions d'actifs à plus de 500 millions d'euros pour réduire votre endettement. Cela ne semble pas à la hauteur du défi que représentent vos 15,16 milliards d'euros de dette...Les cessions d'actifs ne sont qu'un volet de notre plan. Depuis début 2009, nous travaillons activement à réduire notre dette et à améliorer notre structure financière. Nous jouons sur tous les leviers. Nous avons d'abord réduit nos coûts et notre besoin en fonds de roulement, et limité nos dépenses d'investissement. Notre endettement est ainsi passé de plus de 16,9 milliards d'euros en 2008 à 13,8 milliards en 2009. Depuis, le renchérissement du dollar a mécaniquement accru notre endettement de 1 milliard à la fin juin 2010. Pour nous donner la flexibilité nécessaire, nous avons décidé de réduire nos dépenses d'investissements pour les ramener à moins de 1 milliard en 2011, à comparer à 1,8 milliard en 2009 et 1,3 milliard en 2010. De la sorte, nous allons accroître notre génération de cash-flow et donc, notre capacité à rembourser notre dette. Au premier semestre, nous avons, en outre, dépassé nos engagements de réductions de coûts et poursuivi l'amélioration de notre besoin en fonds de roulement. Enfin, nous avons prévu de réaliser pour plus de 500 millions d'euros de cessions, dont 350 millions étaient déjà sécurisées à la fin juillet.Parallèlement à tout cet arsenal, nous avons refinancé 5 milliards d'euros sur les marchés obligataires depuis le début de 2009 et les remboursements auxquels nous devons procéder sur les années qui viennent ne dépassent pas 1 à 1,2 milliard d'euros par an. En outre, nous avons allongé nos lignes de crédit bancaires et nous n'avons aucun covenant financier sur notre dette. Vos marges de manoeuvre en termes de cessions semblent limitées. Céder des actifs dans les pays émergents en pleine croissance n'est pas votre intérêt et vendre des actifs dans des pays mûrs où la croissance n'est pas au rendez-vous non plus. Le groupe a démontré qu'il conservait des marges de manoeuvre stratégiques et pouvait désinvestir sans pression. Au plus fort de la crise, nous avons cédé des actifs dans d'excellentes conditions. Par ailleurs, nous avons opéré des mouvements stratégiques qui assurent notre développement tout en améliorant notre structure financière, au Brésil avec Votorantim et en Europe centrale avec l'autrichien Strabag. Vous aviez indiqué début 2009 que la cession de la branche plâtre n'était pas un tabou. Est-elle à l'ordre du jour ? La meilleure façon de réussir des cessions n'est certainement pas de les annoncer à l'avance ! Pour autant, ce que j'ai dit et que je vous confirme c'est qu'aucun désinvestissement n'est tabou, dès lors qu'il s'agit d'actifs non stratégiques pour le groupe. Dans ce cadre, toutes les zones géographiques et toutes les activités peuvent être concernées. Pourquoi avoir maintenu le versement du dividende alors que votre dette est élevée ?Historiquement, le groupe a toujours pratiqué un dividende avec l'objectif de trouver le meilleur équilibre entre toutes les parties prenantes. C'est le sens de la décision du conseil d'administration qui a maintenu un dividende divisé par 2 par rapport à 2008.Que se passerait-il si les agences de notation vous dégradaient au rang de « junk bonds » [« obligation pourrie »] ?Le 31 août, l'agence de notation Moody's qui avait placé le groupe sous surveillance négative au début du mois a décidé de ne pas dégrader sa note. Ce faisant, Moody's a pris en considération le plan d'actions du groupe et la perspective d'amélioration graduelle de nos ratios sur les douze à dix-huit huit mois à venir. Propos recueillis par S. Sa.
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