Europe : un François Hollande ni ambitieux, ni réaliste

 La question européenne a été évoquée dès l’entame de l’intervention présidentielle. François Hollande a fait de sa politique européenne « l’objectif numéro un » de son « an II. » Une politique qui reposera sur quatre piliers : une nouvelle instance de gouvernance européenne, un plan d’insertion des jeunes, une communauté européenne de l’énergie et un pas vers l’intégration budgétaire.Un Eurogroupe bis ?Une telle politique serait-elle capable d’amorcer un tournant dans la politique de la zone euro, de la faire évoluer vers « moins d’austérité et plus de croissance », comme la dit le président français ? Rien n’est moins sûr. Le renforcement de la « gouvernance économique » semble peu opérant aujourd’hui. D’abord, parce que cette instance est en grande partie déjà en place avec l’Eurogroupe. Ensuite, parce que la coordination des gouvernances économiques a également été en grande partie imposée dans les faits par les décisions du conseil européen et de l’Eurogroupe. C’est du reste la raison pour laquelle l’austérité a été mise en place dans de nombreux pays européens et que l’ensemble de la zone euro est entrée en récession. Autrement dit, le problème de la politique européenne n’est pas institutionnel, elle relève du rapport de force au sein de ces institutions.Une France inaudible qui ne peut guère peserOr, la France n’est pas en position de force. La présentation que le Président de la république a réalisée de son influence européenne était, de ce point de vue, fantaisiste. Il a « revendiqué » pêle-mêle la baisse des taux, le sauvetage de la Grèce, la modification de la politique de la BCE, l’union bancaire. En réalité, à chaque fois, c’est bien la décision de l’Allemagne, sous la pression des marchés ou des électeurs allemands, qui a été décisif. Sur la BCE, sur la Grèce, un peu moins sur l’union bancaire, la France a été inaudible ou discrète. Le cas chypriote a été caricatural de ce point de vue. Or, tant qu’il en sera ainsi, toutes les instances de décisions européennes pourront être mises en place, elles ne feront que refléter avec plus ou moins de vigueur la position de Berlin. On voit mal en tout cas comment, aujourd’hui, une instance de gouvernance européenne permettrait de modifier la politique européenne.La bataille déjà perdue du budget européenLe même constat doit être fait sur la proposition d’un budget européen plus élargi, débouchant sur « une capacité d’emprunt propre », autrement dit les Eurobonds. Le projet de « communauté européenne de l’énergie » doit être intégré dans cette proposition, car pour être efficace économiquement, elle devra établir une « socialisation » des moyens sur le sujet. Mais là encore, la bataille a déjà été perdue lors des discussions sur le cadre budgétaire où Angela Merkel et David Cameron se sont alliés pour contrer cette même proposition. Ce jeudi même, quelques heures avant le discours de François Hollande, Angela Merkel a encore montré combien elle se sentait proche de David Cameron en indiquant à Düsseldorf qu’il ne « fallait pas critiquer trop vite les Britanniques, car nous pouvons examiner ensemble les moyens d’améliorer l’UE. » Autrement dit, l’axe Londres-Berlin sur le budget européen tient bon. Sur les Eurobonds, le projet revient dans les objectifs du gouvernement français après avoir été enterrés en juin dernier par Jean-Marc Ayrault. Mais il n’est pas plus opérant : l’Allemagne le rejette, même si la SPD entend en défendre l’idée. Une majorité d’Allemands ne veut pas en entendre parler et rejette cette « union des transferts » que désire Paris. fermez le ban, il n’y aura donc pas d’Eurgroupe.Une initiative pour les jeunes ? Pas suffisant !Reste l’initiative pour l’emploi des jeunes qui est déjà en cours de préparation à Bruxelles. Mais il est bien difficile de croire que 3 ou 6 milliards d’euros permettront de réduire un phénomène qui, dans certains pays, prend des proportions considérables. Le problème de la formation est loin d’être le seul dans ce domaine qui relève aussi des pratiques culturelles et surtout des perspectives de croissance. Pour agir sur l’emploi des jeunes, il faut d’abord offrir des perspectives aux entreprises. Sinon, il ne s’agira que d’un sparadrap. Or, on l’a vu, les projets du président français ne permettent guère d’espérer une initiative pour la croissance.Le président français a déclaré finalement vouloir donner un « contenu » et des « ambitions » à l’Europe. Ses propositions semblent loin de pouvoir le permettre. En réalité, en voulant conserver un équilibre entre « sérieux budgétaire » et « croissance », en voulant ménager Angela Merkel et l’Allemagne, la France ne peut réellement relever le défi du « problème politique » que son président a identifié.  
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