Karel de Gucht : "le made in France ne correspond pas à la réalité sur le terrain"

Karel de Gucht, le commissaire européen au Commerce extérieur était en mission mercredi à Paris. Le Belge, connu pour son franc-parler avait fermement critiqué les positions protectionnistes du ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg. Il s'agit de sa première visite officielle dans la capitale où il a prononcé ce mercredi un discours devant la commission des Affaires Étrangères de l'Assemblée nationale pour convaincre les députés des bienfaits de la politique de libre-échange de Bruxelles avec les marchés émergents. L'occasion d'une première rencontre avec une dizaine de journalistes durant laquelle il a défendu ses idées avec assurance, et il faut l'avouer, peu d'égards pour les opinions moins libérales que les siennes.Les échanges extra européens, source d'emplois en EuropePrenant le contre-pied de l'argumentaire du ministre du Redressement productif, il a défendu une ouverture commerciale accrue des pays de l'Union européenne (UE) avec les économies émergentes. Seul moyen, à ses yeux, de faire redémarrer la croissance. Selon lui, "30 millions de salariés de l'industrie et des services doivent leur poste aux échanges extra-européens". Et ce chiffre devra "augmenter encore si nous voulons retrouver la croissance", a-t-il précisé.Mettre l'accent sur le commerce plus que sur la balance commercialePour convaincre des bienfaits de la mondialisation, il a souhaité expliquer aux Français, à commencer par certains membres du gouvernement, qu'ils doivent réviser leur façon d'appréhender les échanges commerciaux. Même s'il a dit savoir qu'il n'était "pas en terrain fertile"."Il y a une différence entre le commerce et les exportations, le "made in France" ne correspond pas à la réalité sur le terrain", considère Karel de Gucht. Pour lui, se focaliser sur les exportations est vain et les importations comptent autant que les exportations. "Pour exporter il faut importer" a-t-il insisté. Il a d'ailleurs défendu en ce sens  une nouvelle méthode de calcul proposée par l'OCDE et l'Organisation mondiale du Commerce (OMC), qui veulent évaluer le commerce extérieur en se fondant sur la valeur ajoutée. "Avec cette méthode, on se base sur la valeur ajoutée, pas sur le produit fini". Et de donner un exemple : "les notions en jeu sont très complexes mais prenons l'exemple d'un téléphone portable dont le design est fait en Californie et qui est assemblé en Chine à partir de matériaux venant de République démocratique du Congo et avec des pièces électroniques arrivant de Malaise. Aujourd'hui le produit est considéré comme sortant de Chine, mais la part chinoise dans la valeur ajoutée est estimée à 15 % de sa valeur totale."Ce nouvel outil permettrait de calculer de manière plus fidèle ce qui est exporté, en prenant en compte ce qui est produit réellement, et non plus seulement ce qui traverse les frontières. "Cela met en valeur la propriété intellectuelle", argumente-t-il. "Ces statistiques sont plus favorables à l'Europe, s'est félicité Karel de Gucht. Elles changent considérablement les balances entre l'Europe et l'Asie ou entre les États-Unis et la Chine car les déficits sont beaucoup moins importants en prenant la valeur ajoutée".L'accord sur l'emploi est "un pas réaliste dans la bonne direction"Enfin, selon lui, pour accomplir des progrès dans la compétition mondiale, "c'est l'environnement politique et financier qui est important". En ce sens, le récent accord sur l'emploi qui a été conclu entre les partenaires sociaux est "un pas réaliste dans la bonne direction" à ses yeux. Même si les efforts ne doivent pas s'arrêter là. Et de mettre l'accent sur la recherche et développement (R&D) et l'éducation. "Il faut créer les conditions pour que les sociétés puissent produire en France", conclut-il.Cette visite à Paris de Karel de Gucht avait tout l'air, sous la forme d'un argumentaire, d'une opération de séduction à l'égard des politiques français et de l'opinion publique. Bruxelles est souvent perçue en France comme la citadelle du libéralisme pur et dur. Le commissaire s'est voulu pédagogique pour informer et convaincre des bienfaits de la politique de Bruxelles en matière d'échanges commerciaux à l'heure de la mondialisation. Dans une logique très libre-échangiste. Mais son message pourrait trouver de l'écho alors que le déficit commercial chronique de la France et les vagues de destruction d'emplois dans l'industrie s'amplifient.
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