Le modèle nucléaire français sous pression

Si Nicolas Sarkozy a réaffirmé lors du conseil des ministres, mercredi, son refus de remettre en cause la politique nucléaire de la France malgré la catastrophe au Japon, le débat s'ouvre de plus en plus largement dans l'Hexagone et à l'international. Peu portée par les opposants politiques (voir ci-dessous), la contestation vient de la société civile. L'appel à un rassemblement unitaire dimanche 20 mars à Paris, devant l'Assemblée nationale, par le Réseau « Sortir du nucléaire » fournira un test de cette mobilisation.En attendant, et c'est la première fois depuis le lancement du programme nucléaire français au début des années 1960, l'administration française vient tout juste de mettre à l'étude l'option d'une diminution du parc nucléaire dans l'élaboration de ses scénarios officiels de prévision. La décision a été prise lundi 14 mars lors d'une réunion du Groupe de travail énergie climat, créé en juillet 2010 sous l'égide du ministère de l'Énergie, afin de réfléchir, avec des associations, à l'horizon énergétique 2030. Ce travail doit être remis à l'automne, a précisé à « La Tribune » Pierre-Franck Chevet, directeur général de l'énergie et du climat (DGEC) au ministère de l'Industrie.L'association négaWatt, qui regroupe des ingénieurs, travaille depuis 2003 à un scénario de sortie du nucléaire en imaginant la fermeture progressive des centrales existantes jusqu'en 2035. Leur dernière étude, qui sortira cet été, envisage à l'horizon 2050 un système électrique reposant à 100 % sur les énergies renouvelables. La précédente tablait sur 80 % (voir graphique). Pour se passer du nucléaire, négaWatt prévoit d'abord une action sur la demande. Son scénario mise sur une stabilisation de la consommation électrique d'ici à 2050 grâce à un renforcement drastique de l'efficacité énergétique, notamment pour le chauffage, et à la « sobriété énergétique ». C'est-à-dire « réduire les gaspillages par des choix individuels et sociétaux », comme par exemple « profiter au maximum de la lumière naturelle pour s'éclairer ».« Ces scénarios exploratoires laissent de côté les coûts des différentes options et les instruments d'incitation », commente Patrick Criqui, directeur du laboratoire Économie du développement durable et de l'énergie (Edden), au sein de l'Université de Grenoble et du CNRS. « Même la moins chère des énergies renouvelables, l'éolien à terre, coûte aujourd'hui 60 % plus cher que l'électricité facturée en France [50 euros le MWh] », souligne Pierre-Franck Chevet. Selon la DGEC, le photovoltaïque revient, lui, entre 250 à 600 euros le MWh, la biomasse 120 euros et l'éolien off-shore entre 150 et 180 euros.« Sans nucléaire, on devrait recourir davantage à l'efficacité énergétique et aux énergies renouvelables. Or, l'utilisation de ces sources est limitée. Les problèmes d'intermittence du renouvelable limite leur contribution entre 25 % et 30 % de la production d'électricité », estime Patrick Criqui qui, avec l'Edden, a également modélisé des scénarios prévoyant une sortie du nucléaire... à la suite d'un accident grave qui aurait lieu en 2015. En l'absence de nouvelles centrales à partir de 2015, la production nucléaire diminuerait d'ici à 2050 de 33 % à 25 % par rapport à son niveau actuel, selon lui.Ni charbon, ni gaz, ni pétroleBilan, selon l'Edden, il faudrait augmenter la contribution des centrales électriques au gaz ou au charbon. « Or, si on maintient les exigences climatiques de réduction des émissions des gaz à effet de serre, cela nécessite de disposer à cet horizon de techniques éprouvées de captage et de séquestration du CO2. Ce qui est loin d'être certain », affirme Patrick Criqui. Sans nucléaire ni captage de gaz carbonique, atteindre les objectifs français dits « facteur 4 » (diviser par quatre les émissions d'ici à 2050 par rapport à 1990) lui semble « difficile et coûteux ». « On risque d'être obligés de lâcher du côté du climat », résume-t-il. « La France n'a ni charbon, ni gaz, ni pétrole », rappelle Franck-Pierre Chevet, en mettant en avant la sécurité d'approvisionnement de la France. Dépendante des importations pour 80 % de ses besoins énergétiques en 1970, l'Hexagone les couvre à 50 % depuis les années 1990.
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