Amère victoire à la City

La City a détrôné Wall Street ! La capitale britannique serait devenue la première place financière au monde, à en croire une étude approfondie conduite par le World Economic Forum, qui a comparé les avantages respectifs de 55 centres financiers. Curieuse revanche de l'histoire : Londres retrouve la place qui était la sienne il y a un siècle, avant que la Première Guerre mondiale ne fasse basculer la puissance financière de l'autre côté de l'Atlantique. Des esprits chagrins trouveront indécent que la prospérité revienne si vite dans la ville européenne qui a le mieux symbolisé le bling-bling pendant deux décennies d'euphorie financière. En réalité, c'est loin d'être le cas. Selon une autre étude, signée du Center for Economic and Business Research, quelque 50.000 emplois directs ont été détruits sur les 350.000 que comptait la City. Tous n'étaient pas des postes de traders surpayés. Quand une industrie perd en deux ans un emploi sur sept, elle n'est sûrement pas en position conquérante. On peut tout juste espérer que des emplois seront de nouveau créés l'an prochain, mais le niveau d'avant la crise ne sera pas retrouvé avant une décennie. Ce n'est pas une très bonne nouvelle pour les jeunes Français : Londres a donné leur chance à beaucoup ces vingt dernières années, quand la France les laissait moisir au chômage ou dans des postes précaires pas ou peu payés. En dehors de la vieille rivalité entre les deux rives de la Manche, il y a un enjeu politique sous-jacent au jugement porté en France sur la City. Londres, plus que New York, a été le centre de diffusion de l'idéologie de la mondialisation financière, brillamment défendue par des journaux de grande qualité comme « The Economist » et le « Financial Times ». Que toute cette construction ait failli s'effondrer et n'ait été sauvée de justesse que grâce aux gouvernements, constamment moqués pour leur lourdeur, leur inefficacité et leur coût, semble mériter à tout le moins un débat. Ce débat a lieu, à vrai dire, entre les gouvernants au G20, dans les médias et les conversations entre professionnels. Il est au moins aussi vif en Angleterre qu'en France. Au lieu de rêver de voir défiler les banquiers en robe de bure, on serait mieux inspiré de regarder l'ensemble du tableau : Wall Street est tombée plus bas que Londres, d'accord ; mais entre-temps, Singapour, Hong Kong, Koweit City ou Bombay, loin d'avoir reculé, ont progressé. [email protected] Sophie Gherard
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