400 tribunaux rayés de la carte

Un seul tribunal de grande instance sauve sa peau dans la réforme de la carte judiciaire. Celui de Moulins. Très attendues étaient les quatre décisions du Conseil d'État rendues le 19 février. La haute juridiction administrative a confirmé la réforme de la carte judiciaire, dont la mise en oeuvre se termine en 2011. Pourtant, elle avait reçu plus d'une centaine de requêtes pour demander l'annulation des décrets de 2008 supprimant environ 400 tribunaux en France. En raison des enjeux nationaux et surtout locaux, les barreaux (Albertville, Avranches, Bourgoin-Jallieu, Millau, Nîmes...), les maires des villes concernées, l'Association des petites villes de France (APVF), le conseil général de Corrèze, les syndicats de magistrats (USM, SM...), des antennes locales d'UFC-Que Choisir, n'avaient pas hésité à saisir le Conseil d'État.Effet de surprisePrincipal argument avancé, l'absence de consultation du gouvernement Fillon avant de trancher sur les suppressions des tribunaux. Avec le soutien de l'Élysée, la garde des Sceaux de l'époque, Rachida Dati, avait joué l'effet de surprise en choisissant rapidement le passage en force. Cette stratégie était justifiée par la crainte que la réforme ne puisse pas passer face au mécontentement d'élus dans les propres rangs de l'UMP. La ministre avait créé un comité consultatif de la carte judiciaire. Ce comité n'a été réuni qu'une seule fois... le jour de son installation. Dans sa principale décision du 19 février, longue de 64 pages, le Conseil d'État valide en droit cette absence de consultations avant la parution des décrets de 2008. Pour la haute juridiction administrative, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au gouvernement de consulter les collectivités territoriales sur le territoire desquelles se trouvaient les juridictions supprimées, nojn plus que le Comité national de la montagne et le comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires. Ni même les chefs de cour, les représentants des professions judiciaires ou les délégués des organisations syndicales de magistrats et du personnel de justice. « Nous ne sommes pas satisfaits, car nous insistions beaucoup sur l'irrégularité de la concertation, déclare André Robert, délégué général de l'APVF. Ce n'est pas la peine de faire des assises de la ruralité s'il n'y a pas de consultation obligatoire ». À la suite des décisions du Conseil d'État du 19 février, l'APVF pourrait demander dans les semaines à venir une rencontre à Matignon pour demander des modifications de textes pour qu'à l'avenir, la consultation devienne obligatoire. Car elle n'a pas l'impression d'avoir été entendue fin 2009 sur ce point par le ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, Michel Mercier. Or, les sujets de réaménagement du territoire ne manquent pas : hôpitaux, redéploiement des services de police et de gendarmerie, carte militaire. Erreur d'appréciation manifesteDans ses décisions du 19 février, le Conseil d'État n'a toutefois pas hésité à examiner chaque suppression de tribunal en matière d'aménagement du territoire. C'est ainsi qu'il a décidé d'annuler pour erreur manifeste d'appréciation la suppression du tribunal de grande instance (TGI) de Moulins prévue pour le 31 décembre 2010, dont les dossiers devaient être transférés au TGI de Cusset. En clair, le Conseil a considéré que la distance séparant ces deux villes était trop importante, et surtout qu'existait à Moulins un établissement pénitentiaire de quelque 300 places. Pour les autres suppressions de tribunaux, le Conseil d'État a en revanche validé l'appréciation du gouvernement. Pour de simples raisons de forme, il a annulé la suppression des tribunaux pour enfants de Guingamp et de Bourgoin-Jallieu. « La situation pour ces deux juridictions sera prochainement régularisée », a indiqué Guillaume Didier, porte-parole du ministère de la Justice. La réforme de la carte judiciaire ne peut plus être arrêtée. Seul bémol, son coût total: 427 millions d'euros. Elle va mobiliser 100 millions d'euros dans le budget 2010 de la chancellerie. « Cela n'a aucune cohérence avec la diminution des dépenses publiques », critique le délégué général de l'APVF.
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