Le spectre d'une dégradation n'inquiète pas les gérants de fonds obligataires

Par latribune.fr  |   |  514  mots
Au lendemain de la mise sous surveillance de la notation AAA des États-Unis par Standard and Poor's, les obligations d'État américaines étaient de nouveau orientées à la hausse ce mardi dans le sillage des chiffres mitigés de l'immobilier américain. Évoluant en sens inverse des prix, les taux des titres américains se détendaient légèrement sur l'ensemble des échéances après le rebond plus faible qu'escompté des permis de construire. Un paradoxe ? Encore lointaine, la menace d'une dégradation, dont S&P chiffre la probabilité à 30 % d'ici à deux ans, n'effraie guère les gérants de fonds, et le ministre des Finances japonais a souligné mardi que la « dette américaine continue d'être un investissement attractif ».« L'annonce de S&P est davantage une sonnette d'alarme. On peut d'ailleurs s'interroger pour savoir si ce n'est pas plutôt une bonne nouvelle, car elle met la pression sur le gouvernement américain et aidera à faire passer certaines mesures d'austérité », souligne Rodolfo Caceres, analyste crédit chez Tikehau IM. « Des ventes forcées auraient un impact très fort, mais le timing d'une éventuelle dégradation laisse le temps au marché de s'adapter. Et même à AA+ ou AA, qui sont de très bonnes notes, il y aura toujours de la demande. Le Japon n'est plus AAA mais ça ne l'empêche pas de refinancer sa dette », ajoute-t-il.Titres américains prisés L'annonce de S&P intervient en outre en plein déroulé du programme d'achat d'obligations d'État de 600 milliards de dollars de la Fed (« QE2 »), décidé fin novembre et qui doit s'achever fin juin, a tendance à raréfier sur le marché les titres américains, prisés pour leur liquidité et leur sécurité. Certes, ce programme n'est pas infini, mais son extinction doit à terme être compensée par la diminution des émissions de dette liée à l'austérité budgétaire. « Il est possible que le risque de dégradation ait des répercussions sur le comportement de certains fonds, mais malgré cette éventualité, la situation ne devrait pas changer fondamentalement », souligne Etienne Pourny, président de Stelphia AM.À 3,36 %, le taux à 10 ans américain a augmenté de 100 points de base depuis les plus bas historiques enregistrés fin août, quand les craintes sur la croissance avaient déjà poussé la Fed à l'action. L'institution avait annoncé le réinvestissement de son portefeuille hypothécaire en bons du Trésor, une mesure depuis, complétée par le « QE2 » afin de relancer les anticipations inflationnistes tout en garantissant de bas niveaux, de taux favorables à la croissance. Pour Étienne Pourny, c'est à ce niveau que se situe le danger pour les investisseurs. « Le processus de dégradation sera très lent et ce n'est pas lui qui va provoquer la hausse des taux. Les États-Unis vont devoir combiner une inflation élevée, une rigueur budgétaire et des taux d'intérêts réels bas pour se désendetter, et c'est cette combinaison qui va rogner la performance des fonds obligataires », explique-t-il. Julien Beauvieux