Libor : "Il faudrait imposer des sanctions clairement dissuasives "

La Tribune : Quelles sont les répercutions possibles des scandales bancaires récents sur la réglementation ?Eric Delannoy : Nous légiférons, réglementons, régulons à perte de vue à présent. Notre arsenal législatif et réglementaire est important à l\'égard des banques. Nous sommes passés en 4 ans d\'une faiblesse de la régulation à de la sur-régulation, ce que j\'appelle une bulle régulative, plutôt que d\'avoir une logique de responsabilisation. Accompagnée d\'une mise en visibilité et une traçabilité des décisions, cette logique serait plus appropriée puisque malgré l\'inflation de ces régulations, des scandales se multiplient. Le pilier 3 de Bâle III évoque d\'ailleurs ce rôle de supervision. Ces scandales ont tendance à décrédibiliser la parole des banquiers, dont la mauvaise image nourrit tous les fantasmes et empêche la discussion sereine avec les régulateurs.Comment pourrait-on alors instaurer cette logique de responsabilisation ?E.D. : Il est vrai que c\'est très compliqué. Il faudrait imposer des sanctions pénales et financières clairement dissuasives à l\'égard des fraudeurs. Prenons le Libor, si les patrons de la Barclays s\'exposaient à dix ans de prison en manipulant ce taux interbancaire, ils auraient nécessairement réfléchi à deux fois avant de s\'engager dans cette triste affaire. Aujourd\'hui, certes ils ont démissionné, mais après ? Nous ne savons pas ce qu\'il va leur advenir finalement. L\'éthique dans les affaires n\'est pas négociable et les sanctions doivent être exemplaires pour les acteurs de la finance comme pour les autres.Ces évènements vont-ils accélèrer la démarche de séparation entre  les activités de banques de financement et d\'investissement (BFI) et les banques de détail ?E.D. : La séparation des deux organes des banques n\'aurait pu, en aucun cas, empêcher la série de scandales que l\'on observe en ce moment. Elle ne parviendra donc pas plus à les éviter dans le futur. Mais, le problème est toujours le même. La « bulle régulative » qui s\'est formée génère un comportement de contournement de toute part. J\'illustre mes propos en citant à nouveau Bâle III. Ces nouvelles normes vont nécessairement limiter les capacités de prêt des banques aux entreprises. Ce n\'est pas pour autant que les entreprises n\'auront pas besoin de financement. Elles vont donc se tourner vers les marchés financiers directement pour lever des fonds, au détriment des banques, comme c\'est le cas aux Etats-Unis. Or, les marchés financiers sont beaucoup moins régulés que les banques. Plus la régulation est forte plus les contournements susceptibles de provoquer les prochaines crises sont importantsDans le contexte actuel, les institutions bancaires ne sont-elles pas complètement discréditées auprès des hommes politiques?E.D. : Les hommes politiques accusent ces faits de scandaleux, car ils cherchent un bouc émissaire. En vérité, ce n\'est rien d\'autre que du populisme. Auparavant, tout le monde croyait à l\'auto régulation des marchés financiers. Nous avons fait les frais des excès qui en ont résulté. Un degré minimum de régulation est donc vital. Mais, il s\'opère désormais en politique un coup de balancier et les banquiers sont assaillis de nouvelles contraintes réglementaires. A terme, ils ne seront plus en mesure d\'exercer convenablement leur travail. Qu\'en est-il de la responsabilisation des acteurs ?Les investisseurs ne ne vont-ils pas délaisser les banques après ces scandales ?E.D. : Je ne le crois pas. Les investisseurs ont besoin des banques. En revanche, ces scandales vont booster un domaine en pleine éclosion, la finance participative. Celle-ci implique une diversité de nouveaux entrepreneurs, et sa vertu vient de son fonctionnement, très différent du financement classique. 
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