Comment le numérique bouscule les industries culturelles

Les industries culturelles, du cinéma ou du livre, après celle de la musique, voient leur chaîne de valeur déséquilibrée par la circulation des ?uvres sur les réseaux numériques. Une étude réalisée par Bain & Co pose pour la première fois cette équation des transferts de valeur en cours dans la chaîne des industries culturelles. Elle est dévoilée aujourd'hui dans le cadre du forum international « Culture, économie et médias », à Avignon. Cette sorte de « Davos de la culture » rassemble quelque 300 économistes, artistes, chefs d'entreprise pendant deux jours.Les consultants de Bain ont fait le constat que, avant d'être une chance de renouveler la création culturelle, l'innovation ? numérique en l'occurrence ? a d'abord « fortement déstabilis頻 les industries culturelles. Jusqu'au début de la décennie, les secteurs de la musique, de la presse, de la télévision ou du cinéma vivaient dans « un écosystème relativement équilibré, protégé par de fortes barrières à l'entrée ». Des barrières à la fois technologiques, comme la rareté des fréquences hertziennes disponibles pour la télévision, réglementaires limitant les concentrations, ou capitalistiques. De 1991 à 1999, l'indice DJ Euro Stoxx des sociétés européennes de médias a ainsi enregistré une croissance annuelle de 17,8 %, avec une marge moyenne de 16,4 % en 2000. Des performances supérieures à l'ensemble de l'économie. Si de 2000 à 2009 le profit total des entreprises du secteur a progressé, d'importants transferts de valeur se sont opérés entre les différents médias. La part d'Internet dans la rentabilité mondiale des industries culturelles est passée de moins de 5 % à plus de 20 %. Dans le même temps, la presse passait de près de 40 % à moins de 15 %. La marge des magazines et journaux a en fondu de 18 à 8 %. Celle de l'audiovisuel a perdu un point à 13 %, tandis que celle de l'ensemble cinéma, jeux vidéo, musique d'une part et livres d'autre part est restée stable à 7 %.Mais surtout, l'étude pointe les transferts qui s'opèrent entre les trois grands maillons de la chaîne de valeur : la production de contenus (studios de cinéma et de production de programmes télé, labels de musique, organisateurs de spectacles vivants?), leur édition et agrégation (chaînes de télé et radio, groupes de presse, édition de livres, éditeurs de jeux vidéo, sites Internet d'agrégation) et la distribution. Ce dernier maillon regroupe aussi bien les distributeurs de télé payante que les messageries de presse, les enseignes de vente de biens culturels ayant des boutiques physiques ou en ligne, les fournisseurs d'accès à Internet et les réseaux de salles de cinéma.dépression publicitaireAlors que la production de contenus, pratiquement stable sur la période 2000-2009, représente autour de 13 % des profits de l'industrie mondiale, l'édition et l'agrégation de ces contenus, frappée par la dépression publicitaire, a vu sa part passer de près de 70 % à moins de 50 % avec une rentabilité chutant de 17 à 12 %. Dans le même temps, celle de la distribution, notamment la télé payante, câble et haut débit, doublait à près de 40 % du total des profits avec une marge en progression de 6 à 9 %. Pour Patrick Behar, auteur de l'étude chez Bain, cette évolution pose la question du devenir des agrégateurs. Une question dont découle celle du financement de la production, dans la mesure où, notamment dans le système français, ces derniers ? les chaînes de télévision, par exemple ? financent en grande partie la production. Des interrogations auxquelles font écho les débats en cours sur la nécessité d'impliquer davantage les distributeurs de contenus que sont les fournisseurs d'accès à Internet ou les géants d'Internet dans le financement de la production de contenus. n
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