Cyberespionnage chinois : les Etats-Unis posent des limites que l'Europe ne posera pas

Le fait que la Chine pratique le cyberespionnage à grande échelle est une évidence depuis plusieurs années. La désormais deuxième puissance économique mondiale, engagée dans un objectif de mise à niveau technologique et de déploiement mondial de son industrie, recourt à tous les instruments possibles - licites ou illicites - pour faciliter sa réussite. Il faudrait, parallèlement, être singulièrement naïf pour imaginer que les Etats-Unis ne recourent pas à cette pratique. Internet a eu pour ancêtre Arpanet, un outil militaire américain. Et il paraît difficilement concevable que la première puissance mondiale n\'ait pas gardé des moyens de pointe pour infiltrer la « toile » qui a pris une telle importance dans le fonctionnement de l\'économie mondiale. Ce que les derniers rapports américains mettent en évidence, c\'est en fait surtout un relatif amateurisme du renseignement chinois - qui a permis au cabinet Mandiant de remonter à la source des attaques informatiques - par rapport au professionnalisme américain.« Containment » américainDès lors, le véritable intérêt des « révélations » américaines réside dans le choix politique dont elles témoignent. Face à l\'évidente montée en puissance économique et géopolitique de la Chine, les Etats-Unis ont en effet décidé de poser des limites. On n\'est certes pas - loin de là - dans une configuration de guerre économique totale. Les Etats-Unis ont validé récemment des investissements chinois dans des industries stratégiques sur leur propre sol - batteries automobiles électriques, aéronautique, énergie ... Mais une volonté de « containment » américaine est apparue sur la question de la protection de l\'information.Le premier épisode a consisté dans la désignation en octobre dernier, par une commission de la Chambre des représentants, des deux géants chinois des équipements de télécommunication Huawei et ZTE comme menaces pour la sécurité nationale. Cette mesure, dictée par la conviction que des équipements de télécommunications posés par des entreprises liées au gouvernement de Beijing, laissent planer le risque d\'une récupération des données passant ensuite par ces réseaux, a depuis eu des effets concrets. L\'opérateur de cadres en fibre optique transatlantiques Hibernia a ainsi suspendu, au début du mois, le chantier de son nouveau réseau, pour envisager un remplacement de Huawei, son fournisseur sur cette opération. Le deuxième épisode est intervenu avec les « révélations » de cette semaine, qui auront pour effet de ralentir les opérations d\'espionnage chinoises, le temps que d\'autres procédures que celles mises sur la place publique soient élaborées.Division européenneFace à cette volonté américaine de poser des limites, la passivité européenne est frappante. Non que l\'Europe soit moins concernée. L\'immense majorité de cibles américaines dévoilées par le rapport de Mandiant sur le cyberespionnage chinois, renvoie à la clientèle majoritairement nationale de ce cabinet américain. Mais il ne fait aucun doute que ce cyberespionnage concerne également l\'Europe, cible prioritaire - avant même les Etats-Unis - des efforts chinois d\'acquisitions de technologies. Et il ne fait aucun doute non plus qu\'il y a encore de beaux jours, grâce à la division européenneEn septembre dernier, au lendemain de l\'engagement de l\'enquête qui a conduit à la mise en accusation de Huawei par la Chambre américaine, le traditionnellement discret président de ce groupe chinois, Ren Zhengfei, était ainsi reçu comme un chef d\'Etat ... par le Premier ministre britannique James Cameron, pour annoncer la création de 2.000 nouveaux emplois au Royaume-Uni. Face à une crise européenne qui encourage le chacun pour soi, la recherche des investissements chinois rend peu probable une politique commune sur le cyberespionnage chinois. Qui pourrait être tenté d\'accroître sa focalisation européenne face au « containment » américain...* Jean-François Dufour est l\'auteur de  \"Made by China, Les secrets d\'une conquête industrielle\" (Dunod, 2012).  
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