L'opéra, école de management

Parenthèse pascale. Êtes-vous tendance BMW ou plutôt BWV ? Amateur de belles voitures ou incollable sur le « Bach Werke Verzeichnis », le catalogue des oeuvres de Jean-Sébastien Bach ? Si par chance vous sacrifiez aux deux passions, vous allez apprécier une petite fugue entre Berlin, Vienne et Salzbourg, les vacances de Pâques étant l'occasion d'un jeu de chaises musicales rafraîchissant en Europe du Nord. La Philharmonie de Berlin prête sa belle salle aux musiciens de la radio - Rias - pour une « Passion selon saint Matthieu », alors que l'orchestre de Berlin et son chef Simon Rattle émigrent, eux, à Salzbourg pour le Festival de Pâques. Très attendu cette année, le « Salomé » de Richard Strauss.Une production d'opéra, c'est tout à la fois de l'art et de l'industrie. Faire travailler ensemble des chanteurs, des musiciens, des menuisiers, des artistes peintres, des mécanos, des maquilleuses... Un exercice de management complexe et périlleux aux yeux de Philippe Agid et Jean-Claude Tarondeau, auteurs d'un essai sur « le Management des opéras » (*). On compte environ 300 maisons ou compagnies d'opéra dans le monde. Elles sont le reflet des cultures et des modèles de pouvoir. Un art d'assemblage. Dès le XVIIe siècle, les décorateurs italiens construisent les premières machines destinées à figurer le merveilleux, le ciel et la terre, la descente aux enfers... Le genre n'a jamais cessé d'inspirer les thaumaturges, les assembleurs de mots, de musique, de danse et d'arts plastiques.Mondialisation. Dès le XVIe siècle, l'opéra est un genre « mondialisé » à partir de l'Italie. ?uvres, compositeurs, familles d'artistes circulent d'une cour princière à l'autre. L'Amérique entre vite dans la boucle. En 1826, Da Ponte, le librettiste des grands opéras de Mozart, fonde à New York la première salle consacrée à l'opéra. Modèle allemand, modèle américain. Deux exemples types : le Staatsoper de Berlin et le Los Angeles Opera. Le premier a 270 ans, un maximum de 1.400 places, des contraintes architecturales et des comptes à rendre sur sa politique culturelle. Le second n'a que 25 ans, plus de 3.000 places, une architecture fonctionnelle et une gouvernance strictement privée.Financement. Trois types de ressources : la billetterie, le mécénat et les subventions publiques. Aux États-Unis comme en Europe, la billetterie représente de 30 % à 35 % des ressources d'une maison d'opéra. Pour le reste, tout est différent. Les dons privés et le business périphérique financent la majorité des budgets en Amérique du Nord. Les subventions publiques - État, Land, ville, région - assurent la couverture des coûts fixes en Europe, la billetterie et le mécénat finançant les coûts variables, c'est-à-dire les productions.Marketing. Les opéras américains ont des méthodes éprouvées pour élargir les types de publics, multiplier les animations, motiver les mécènes, organiser les levées de fonds. Le Metropolitan Opera de New York a fait exploser sa notoriété avec les retransmissions hi-fi d'opéras dans les salles de cinéma de 43 pays. Mais aujourd'hui en Allemagne, à Covent Garden à Londres, à l'Opéra de Paris ou à l'Opéra d'Oslo dont le toit futuriste peut accueillir 6.000 spectateurs, les méthodes américaines sont largement répandues. L'ouverture à des publics plus jeunes modifie l'image d'un genre considéré longtemps comme élitiste et déclinant. Du Staatsoper de Vienne au Liceu de Barcelone, les salles affichent complet. Il n'y a pas que des mauvaises nouvelles dans notre vieille Europe dépressive... (*) « Le Management des opéras. Comparaisons internationales » par Philippe Agid et Jean-Claude Tarondeau. Préface de Jean-Louis Beffa ; 320 pages. Éditions Descartes & Cie.
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