Evasion fiscale : la France se veut plus intransigeante que ses voisins européens

« En matière de fraude fiscale, nous n\'avons pas assez de condamnations, pas assez de prison ferme ». Le député PS Yann Galut, qui sera rapporteur du projet de loi sur la fraude fiscale, débattu fin juin par l\'Assemblée nationale, joue à fond la carte de la répression, à l\'unisson avec le gouvernement. Le ministre délégué au Budget, Bernard Cazeneuve a déclaré ce jour au Parisien qu\'il refusait toute disposition dérogatoire au profit des détenteurs d\'un compte à l\'étranger qui feraient amende honorable. Pas question d\'amnistie et de cellule fiscale dite de dégrisement. Le gouvernement mélange un peu les deux, alors qu\'aucune amnistie n\'a jamais été mise en œuvre, même par le gouvernement précédent.La politique du bâtonAujourd\'hui, Bercy manie seulement le bâton. « Le projet de loi que nous avons présenté en avril (débattu à l\'Assemblée en juin, donc) prévoit des sanctions alourdies », souligne Bernard Cazeneuve. « Les fraudeurs ont intérêt à se signaler. Sinon, ils risqueront jusqu\'à sept ans de prison pour les cas les plus graves ». Ce que le ministre ne dit pas, mais que Yann Galut précise, c\'est que les fraudeurs qui se déclarent actuellement ont de bonnes chances d\'échapper aux poursuites de l\'administration fiscale, devant la justice. En revanche, une fois le projet de loi voté, ce sera beaucoup plus compliqué.C\'est la seule « fleur » qui serait accordée aux repentis de l\'évasion fiscale. Si, sous le ministre du Budget, Eric Woerth, les contribuables se déclarant pouvaient obtenir des remises sur les pénalités, ramenées souvent de 49% des sommes dues à environ 20% ainsi qu\'un plafonnement des intérêts, il n\'en est plus question aujourd\'hui. « Il n\'y aura pas de bonus aux fraudeurs », souligne Bernard Cazeneuve.Le risque de départs à l\'étranger?Une politique contestée par certains spécialistes. L\'avocat fiscaliste Nicolas Jacquot, qui a été conseiller de Jean-François Copé (UMP), alors ministre du Budget, souligne les dangers de cette stratégie: «La réalité est plus complexe qu\'elle n\'apparaît au premier abord. De nombreux contribuables concernés ne sont pas de purs fraudeurs. Souvent, ils détiennent des comptes à l\'étranger qui leur ont été transmis de manière passive par leurs parents, leur famille. Le risque, si on ne les incite pas à se déclarer ou si on ne pratique que la menace, c\'est qu\'ils décident d\'aller s\'installer ailleurs ». De fait, en Italie, Espagne ou Royaume Uni, les « repentis » sont plutôt mieux traités qu\'en France. Et la question ne se pose même pas pour un résident français qui déciderait de s\'installer en Italie: ils n\'auraient rien à régulariser, n\'ayant pas dissimulé de revenus issus de ces pays.Le choix de l\'intransigeance Bernard Cazeneuve a choisi l\'intransigeance et s\'en est expliqué devant l\'Assemblée nationale, ce mardi : « Vous me direz quel intérêt ont-ils (les fraudeurs, NDLR) à aller devant l\'administration fiscale ? Tout simplement, ils ont intérêt à y aller parce que le durcissement de la législation auquel nous allons procéder va les exposer à des risques de sanctions auxquelles ils n\'étaient pas exposés jusqu\'à présent et qui doivent les conduire à se mettre en conformité au droit. Parce que, comme vous l\'avez dit, il n\'y a pas de raison que des Français modestes payent l\'impôt et que d\'autres y échappent en période de redressement. «Les enquêteurs pourront infiltrer des banquesLe projet de loi sur la fraude, qui prévoit donc des sanctions plus lourdes, donne aussi des moyens d\'actions plus efficaces aux enquêteurs. D\'abord, la qualification de bande organisée sera désormais possible pour les fraudeurs et tous ceux qui les aident. Ce qui est lourd de conséquences : « les enquêteurs pourront infiltrer des banques qui conseillent des montages fiscaux frauduleux, de même que des cabinets d\'avocats », souligne Yann Galut. Ensuite, l\'utilisation des fichiers volés sera beaucoup plus facile. Dans le cas d\'UBS, des recours en annulation de procédures ont été validés. Ce ne pourra plus être le cas. « En ce qui me concerne, je milite pour qu\'il soit possible, à l\'avenir, d\'acheter des fichiers », déclare Yann Galut. Enfin, la création d\'un parquet financier démultipliera les possibilités de poursuite. « Si l\'on considère que 60 à 80 milliards d\'euros échappent à toute déclaration au fisc, cela veut dire que l\'Etat perd 5 à 10 milliards d\'euros de recettes annuelles » estime le député PS. Ce qui n\'est effectivement pas rien.
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