Derrière les mots de... Nicolas Sarkozy

Propos recueillis par Valérie Segond- - -Philippe Marini (*) : «Nous refuserons les hausses générales d'impôt.»Nous refuserons les hausses générales d'impôt, cela n'exclut pas la baisse des dépenses fiscales, c'est-à-dire les exonérations diverses, les crédits d'impôt, réductions d'impôt et autres taux réduits. En clair, en réduisant ces niches, nous pouvons augmenter l'assiette de l'impôt, et partant en accroître le rendement. Selon que vous soyez socialiste ou UMP, vous le présenterez comme une hausse d'impôt ou comme une baisse des dépenses fiscales. (*) rapporteur de la commission des finances du Sénat.- - -Jérôme Cahuzac (*) : «Cette déclaration me paraît bien audacieuse pour l'avenir.»Cette déclaration se veut forte. Mais je crains qu'elle ne soit démentie par le passé comme par le présent. Depuis 2007, le gouvernement a fait voter une taxe sur le capital pour financer le RSA et deux autres sur les contrats de mutuelles et l'intéressement et la participation des salariés pour tenter de diminuer les déficits sociaux. Et encore une autre sur les fournisseurs d'accès à Internet pour financer la suppression de la publicité à France Télévisions. Il a augmenté le forfait hospitalier et instauré les franchises médicales et il a même taxé les « poissons, les crustacés et les mollusques » pour venir en aide aux pêcheurs. Il y en a, au total et en année pleine, pour 5 à 6 milliards d'euros de plus par rapport a 2007. Et aujourd'hui, pour financer la réforme des retraites, il s'apprête à taxer à nouveau les revenus du patrimoine ainsi que les «hauts revenus» du travail qu'il définit comme tels à partir de 6.500 euros par mois pour un foyer fiscal de deux actifs ayant deux enfants à charge. Et surtout, cette déclaration me paraît bien audacieuse pour l'avenir. Dans le plan de stabilité transmis par les autorités Françaises à Bruxelles, il est prévu 40 milliards de prélèvements obligatoires en plus en 2013 par rapport a 2009. Il est affirmé que la croissance y pourvoirait, toutes choses égales par ailleurs. Cela me semble très douteux. Au surplus le gouvernement annonce 5 milliards d'euros de baisses de dépenses fiscales en 2011, c'est-à-dire autant d'impôts en plus cette année là. Enfin la France vient de s'engager dans le plan de stabilisation de l'euro pour un montant de 110 milliards. Même si l'on peut parier que nous n'aurons pas à sortir ces fonds, que se passerait-t-il s'il fallait activer ce plan ? Certes, au sens de Maastricht, il n'y aurait pas d'aggravation du déficit. Mais ce serait quand même un déficit budgétaire supplémentaire du même montant qu'il faudrait bien alors assumer. Il faut, je crois, faire attention aux déclarations démenties trop facilement par les faits. (*) député PS, président de la commission des finances à l'assemblée nationale.- - -Michel Sapin (*) : «Son seul sens caché, est celui du lapsus. Il a bien dit le contraire de ce qu'il croyait dire.» Il y a plusieurs manières de comprendre cette phrase alambiquée. Première lecture, nous cesserons d'octroyer des baisses d'impôts comme nous l'avons fait pour les hauts revenus et les entreprises, les dernières étant la baisse de la taxe professionnelle et de la TVA sur la restauration. Deuxième lecture, nous cesserons, à partir de 2011, de les augmenter, alors même que nous avons créé de multiples nouvelles taxes. Troisième lecture, nous ne pourrons échapper aux hausses d'impôt, que ce soient la hausse de la CSG, de la CRDS, peut-être même de la TVA, mais nous ferons en sorte qu'elles ne soient pas interprétées comme étant des « hausses générales ». De tout ceci, il ressort que le gouvernement n'étant pas en mesure de rééquilibrer le budget par la seule réduction des dépenses, il va devoir augmenter d'une manière ou d'une autre les recettes. Derrière cette phrase qui veut tout et rien dire, il y a bien l'annonce d'une hausse des impôts. Son seul sens caché, est celui du lapsus. Il a bien dit le contraire de ce qu'il croyait dire. (*) député PS de l'Indre, ancien ministre de l'Économie et des Finances, ancien ministre de la Fonction publique et de la réforme de l'État.- - -Gilles Carrez (*) : «Augmenter les ressources par des mesures d'assiette est infiniment plus intelligent que par une hausse des taux d'imposition.»Il y a trois manières d'augmenter les recettes fiscales : augmenter les taux d'imposition, élargir l'assiette en réduisant les exonérations diverses, ou ne pas revaloriser les barèmes. Le président, qui connaît très bien ces trois manières d'opérer, a choisi en priorité la réduction des niches fiscales, celles dont l'utilité économique ou sociale, est douteuse. Le problème de l'imposition en France, c'est qu'elle impose des taux élevés, que l'on a fini par alléger ces taux élevés par des exonérations, à savoir des trous dans l'assiette fiscale. Entre les 75 milliards d'exonérations fiscales, et les 35 milliards de dérogations sociales, la France a créé près de 120 milliards d'euros de dérogations d'assiette. Si on la réduisait de 10%, cela permettrait d'augmenter les recettes de 12 milliards. Augmenter les ressources par des mesures d'assiette est infiniment plus intelligent que par une hausse des taux d'imposition. Cela permet d'accroître fortement les recettes, tout en affirmant que ce ne sont pas des hausses générales.(*) député UMP du Val-de-Marne, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale.
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