Inventer le monde d'après

La crise pousse les banquiers d'affaires à prendre la parole. Dans « le Monde d'après », Matthieu Pigasse (patron de Lazard France et coïnvestisseur dans « Le Monde » aux côtés de Pierre Bergé et Xavier Niel) et Gilles Finchelstein (directeur des études d'Euro RSCG), tous deux proches de Dominique Strauss-Kahn, avaient proposé une lecture critique de la crise financière, qui aura prochainement une suite. Dans la maison d'en face, chez Rothschild, Hakim El Karoui, spécialiste des marchés émergents, propose une réflexion (*) sur la « désoccidentalisation » du monde, et des pistes pour réinventer l'avenir à un moment où celui-ci s'annonce bien sombre pour les pays dits avancés. La désoccidentalisation, « c'est ce phénomène qui fait de l'Occident un problème pour le reste du monde parce qu'il s'inquiète, devient pessimiste, prend peur pour sa sécurité face à l'islam, ne croit plus à sa prospérité avec la montée de l'Asie, craint l'immigration venue d'Afrique et doute de sa cohésion politique et sociale ». L'ancien conseiller de Jean-Pierre Raffarin, proche d'Emmanuel Todd, n'y va pas par quatre chemins. Menacé d'une triple « anomie » politique, économique et identitaire, l'Occident est au bord de l'implosion, que traduit bien la montée de la violence chez les classes moyennes dont le mode de vie est menacé par le basculement du monde vers l'Asie.Coupable aveuglementCe choc entre les classes moyennes et la mondialisation est le principal danger pour nos sociétés démocratiques. Selon Hakim El Karoui, l'Occident se trompe en ciblant le monde musulman et fait preuve d'un coupable « aveuglement » à l'égard de la Chine. Une Chine qui revendique la première place, mais sans prendre les rênes du monde. Mais la Chine est aussi « la chance de l'Occident, parce qu'elle devrait lui faire prendre conscience de sa faillite morale, économique et politique ». Pour Hakim El Karoui, il faut demander la réciprocité à à ce pays, notamment économique, tout en le traitant en égal. Être fermes et unis, parce que nous ne pouvons pas continuer à être ouverts face à une Chine fermée, en résistant aux pressions des entreprises occidentales qui ont peur des représailles des autorités chinoises dans leur accès au plus grand marché du monde.De mère française et protestante (Nicole El Karoui, qui a formé à Dauphine une génération de génies de la finance) et de père tunisien et musulman, l'auteur ne passe pas à côté de la crise identitaire de l'homme occidental. L'Occident, qui a fait tant de mal dans le passé, mérite-t-il vraiment qu'on s'attarde sur son sort ? Oui, répond-il, s'il devient autre chose qu'une opposition au reste du monde et une volonté de domination impériale et violente. Face au cavalier seul de la Chine, l'Occident peut redevenir une référence par son modèle de démocratie et de liberté. Philippe Mabille (*) « Réinventer l'Occident. Essai sur une crise économique et culturelle », Hakim El Karoui, Flammarion, 242 pages, 17 euros.
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