Hôtesse de l'art au Royal Monceau

Il est de ces nouveaux métiers qui marquent leur époque. Aujourd'hui, par exemple, l'heure est à l'art contemporain. Il est partout, sort du cadre étroit des galeries, s'impose dans les musées et la vie quotidienne, et s'invite parfois dans les grands hôtels. L'entrepreneur Alexandre Allard et le designer Philippe Starck, grands capteurs de tendances, ont su saisir cet engouement nouveau pour les expériences artistiques les plus débridées pour procéder à un lifting culturel complet au Royal Monceau, un antique palace qui fut, paraît-il, le « rendez-vous des intellectuels et des artistes » en des temps oubliés. Flambant neuf, l'hôtel de l'avenue Hoche, qui vient de rouvrir ses portes après deux ans de travaux, se veut donc un lieu habité pour l'art, imaginé par et pour les artistes et ce, pour une clientèle - pardon, une « tribu » selon le vocabulaire starckien - forcément attirée par la nouveauté en général, et les oeuvres contemporaines en particulier. Pour relever ce pari osé, le palace a tout prévu, jusqu'aux moindres détails. Il a même innové en créant une nouvelle fonction dans l'organisation, pourtant déjà si hiérarchisée de l'hôtellerie. L'« art concierge » est né, sorte d'interface entre la vie culturelle (branchée) et la clientèle de l'hôtel. « L'idée est venue presque d'elle-même », reconnaît Domoina de Brantes, 28 ans, art concierge attitrée du Royal Monceau, « la médiation culturelle étant déjà bien établie ». Pourtant, la jeune femme ne cache pas qu'elle se prépare à un saut dans l'inconnu. Même si tout a été minutieusement préparé pendant près de dix mois. Il a fallu tout d'abord constituer une équipe, créer un blog « Art for breakfast » qui recense les principaux événements culturels et les nouveaux lieux parisiens, concevoir une newsletter quotidienne, former le personnel de l'hôtel aux quelque 300 oeuvres d'art qui se bousculent dans le palace, préparer des kits ou des parcours culturels en relation avec des expositions. Domoina a cependant carte blanche quant à ses choix artistiques et souhaite sortir des sentiers battus. Il est notamment prévu des visites du MAC/VAL, le musée d'art contemporain du Val-de-Marne, avec « lunch box » à la clé. Bien sûr, vernissages, visites d'ateliers d'artistes ou visites d'expositions guidées par des curateurs indépendants, comme Vincenza Mirisola, seront au programme. Un itinéraire chargé donc pour cette jeune femme hors normes, spécialiste de l'art urbain depuis une rencontre foudroyante avec Jean Faucheur, l'un des créateurs du collectif les Frères Ripoulin dans les années 1980. Elle a alors organisé des expositions itinérantes avant de créer sa propre galerie dans le Marais, Studio 55 (désormais en résidence à l'Espace Cardin), où se sont croisées ces dernières années toutes les figures françaises du « street art », de Faucheur à Sun7 en passant par Teurk, l'Atlas ou Tanc. Mais finalement, le plus difficile aura été d'expliquer ce nouveau poste en interne et surtout de s'imposer au sein de la confrérie fermée des concierges des grands palaces, dont elle a d'ailleurs endossé l'uniforme. Son rôle sera également de guider la clientèle dans l'effervescence culturelle permanente que souhaite entretenir le Royal Monceau dans ses murs, des avant-premières dans la salle de cinéma high-tech aux quatre expositions temporaires annuelles (actuellement Basquiat... forcément), sous la direction d'Hervé Mikaeloff, conseiller culturel auprès de LVMH, sans parler de la libraire aux livres rares et parfois exclusifs, de la collection de photos du Royal Monceau et bientôt la boutique « ultrafashion ». « Nous allons au-delà du simple art hôtel. L'art est inscrit dans l'ADN même de l'hôtel », avance Hervé Mikaeloff. De quoi peut-être démentir Bernard Dubuffet pour qui « l'art ne vient pas se coucher dans le lit qu'on a fait pour lui ».
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