Transsibérien Blaise Cendrars Sur les rives de l'Ienisseï

Quelques maisons en bois, restaurées par des ouvriers tadjiks, retrouveront bientôt leur beauté d'antan. Sur les facades des bâtiments de l'après-guerre, les ornements de l'Art nouveau se mêlent à la statuaire soviétique. Comme dans chaque ville traversée, à Krasnoïarsk, Lénine trône en majesté sur la place principale. Face à lui, rue Karl Marx, à la Bibliothèque universelle scientifique de la région, les écrivains français sont attendus. À chaque fois, comme le résume fort bien Kris, l'auteur de bandes dessinées : «  Les Russes nous témoignent une avidité exceptionnelle. » Les salles de conférences sont pleines. « Quels auteurs russes connaissez-vous ? », demande un auditeur. Guy Goffette énumère une liste à la Prévert de cinquante noms : « Boulgakov, Lermontov, Essenine, Chalamov, Platonov... » Wilfried N'Sondé, d'origine congolaise - il a grandi dans une cité près de Melun avant de s'installer à Berlin - est accueilli tel Miles Davis dans le Saint-Germain-des-Près de l'après-guerre. Les jeunes filles tombent sous le charme de l'auteur du « Coeur des enfants léopards ». Lena et Magdalena étudient le français. L'une rêve de découvrir Paris, la Ville Lumière, l'autre revient de Saint-Petersbourg ; elle a tenté le concours pour rentrer au Mariinsky et a échoué «  Je resterai donc à Krasnoïarsk. » Leurs parents ont un point commun, ils ont abandonné l'enseignement pour travailler dans le privé ; en vendant de la publicité, ils gagnent deux cent fois plus qu'un professeur de lettres. Nina, elle, est étudiante en journalisme : « Après mon diplôme, je voudrais m'installer à Kiev. J'adore cette ville, elle est vivante. Ce n'est pas comme ici. Là, vous découvrez Krasnoïarsk sous le soleil du printemps, mais en hiver, c'est très dur. Nous n'avons pas d'avenir ici. »La ballade en car, le long de la réserve de Solby (c'est le refuge des ours) en direction du barrage hydro-électrique et de son écluse à bateaux, à 10 km en amont du fleuve Ienisseï (long de 4.090 kilomètres...), se fait sous bonne escorte : une voiture de police, sirène hurlante, ouvre la voie. On est dimanche matin et les routes sont désertes. Certains villages demeurent interdits aux étrangers, faut-il veiller à ce qu'aucun auteur ne s'égare ? Ou plus simplement, comme le dénoncent nombre d'associations locales ces temps-ci, est-ce l'exemple même d'une utilisation abusive des signes extérieurs d'autorité ? Au village d'Ovsyanka, où vivait, jusqu'à sa mort en 2001, l'écrivain Victor Astafiev, le calme règne. Mais la responsable du dispensaire se lamente ; des « gens de la ville » ont acheté la datcha en face de chez elle et ont installé des palissades de bois qui obstruent la vue. Ici, les babouchkas ne disposent que de très faibles moyens pour défendre leurs droits - les expropriations sont légion. Mais puisque les trois quarts des terres en Russie ne sont pas cadastrées, comment faire valoir ses droits ?Sous le porche en bois d'une datcha, les femmes d'Ovsyanka, costumées, chantent les histoires simples de la vie paysanne. Les jarkis, une variété de renoncules, orange vif, jaillissent dans les jardins. Sylvie Germain est sous le charme et en reçoit un bouquet. À la montée dans le Transsibérien, elle offre à chacun l'une de ses fleurs pour son compartiment. ? Prochaine escale : Irkoutsk.
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