Farewell, l'espion qui venait du froid

Par latribune.fr  |   |  424  mots
cinémaRonald Reagan ne s'y était pas trompé. « L'affaire Farewell est l'une des plus grandes affaires d'espionnage du XXe siècle », expliquait-il. Il n'en fallait pas moins pour pousser Christian Carion ? le réalisateur inspiré de « Joyeux Noël » (2005), un film sur la fraternisation dans les tranchées pendant la Grande Guerre ? à s'emparer du sujet. Et réussir une ?uvre inspirée de cette affaire, captivante, qui renoue avec les grands films d'espionnage d'antan.Flash-back sur les années 1980, ici remarquablement reconstituées. En ce temps-là, Björn Borg et John McEnroe s'affrontaient sur les courts, Freddie Mercury moulé dans son microshort électrisait les foules, Brejnev paradait avec un tapis de médailles épinglé au buste, un mauvais acteur hollywoodien prenait la tête de l'Amérique, tandis que l'Est et l'Ouest s'affrontaient sans merci dans toutes les parties du globe.Rares étaient alors ceux qui se doutaient de l'état de délabrement dans lequel se trouvait l'URSS. Conscient de l'effondrement imminent de l'empire et décidé à faire imploser le système de l'intérieur, Sergueï Grigoriev (Emir Kusturica), un colonel du KGB, choisit de livrer des informations de la plus haute importance à l'Ouest. Son contact ? Pierre Froment (Guillaume Canet, impeccable), un jeune ingénieur français de chez Thomson en poste à Moscou. L'homme ne connaît rien au renseignement. Mais c'est ce qui fait sa force et le rend insoupçonnable pour mener à bien cette opération baptisée Farewell.Contrairement aux films d'espionnage ayant la guerre froide pour toile de fond, Christian Carion évite toute forme de manichéisme. Grigoriev n'a aucune intention de passer à l'Ouest et refuse même d'être payé pour ses informations. Il ne manque jamais de rappeler la manière dont l'Union soviétique est passée du Moyen Âge à l'ère spatiale en moins de quarante ans, tout en pervertissant l'idéal communiste.loin des clichésPar ses silences, une extraordinaire maîtrise de soi et son côté poète, Emir Kusturica compose avec beaucoup de subtilité un colonel du KGB à mille milles des monolithes habituellement portraiturés à l'écran. Il sert ainsi le dessein du réalisateur qui se focalise davantage sur les personnages que sur l'action. Son film n'en est pas moins haletant. D'autant qu'il rappelle les relations d'abord tendues entre Reagan et Mitterrand, le premier étant furieux de voir le nouveau président de la République française nommer des ministres communistes au gouvernement. Avant que ce dernier ne l'amadoue en lui livrant les informations obtenues grâce à Farewell. n