Le low cost en Russie : la promesse intenable d'Aeroflot

Par latribune.fr  |   |  693  mots
Fin octobre, le patron d\'Aeroflot Vitali Saveliov s\'est assis à table face au président Vladimir Poutine pour lui expliquer que sa compagnie préparait la création d\'une filiale low-cost. Mardi, soit un mois plus tard, le cabinet de conseil McKinsey a présenté un rapport tout ce qu\'il y a de plus sceptique sur le sujet. En analysant la structure des dépenses d\'Aeroflot, les experts du cabinet ont conclu que le coût de fonctionnement de la compagnie contrôlée par l\'Etat russe est supérieur d\'un tiers à la moyenne des compagnies low cost.Redevances aéroportuaires élevéesUn tiers de ce surcoût est du à des facteurs extérieurs, tels que les frais d\'aéroports et la maintenance des appareils. Les aéroports russes, particulièrement en province, sont souvent accusés d\'exiger des redevances sans rapport avec la qualité du service fourni, et ceci alors qu\'il n\'existe pas de concurrence. Très peu disposent de l\'équipement nécessaire permettant à un avion de ne rester qu\'une demi-heure entre l\'atterrissage et le décollage, un impératif du modèle low cost. La vétusté des infrastructures aéroportuaires provinciales encourage en outre les compagnies à y envoyer des avions anciens, que la forte consommation de carburant rend impropre à une exploitation low cost.McKinsey souligne que le reste du surcoût s\'explique par la gestion d\'Aeroflot. Les avions du partenaire d\'Air France-KLM dans l\'alliance Skyteam volent 20 % à 40 % de moins que ceux des compagnies américaines. Son système de vente reste trop traditionnel, avec seulement 20 % de billets vendus sur Internet et sans frais additionnel pour la compagnie.Surtaxe sur les avions de plus de 160 places La régulation du transport aérien limite fortement l\'apparition de compagnies low cost, par exemple en collant une surtaxe de 20 % sur l\'achat d\'appareils de 160 places, soit précisément la capacité des A320 utilisée par les compagnies low cost. Aujourd\'hui, Aeroflot aménage ses A320 avec 140 places, juste en dessous de la barrière fiscale.McKinsey n\'est pas le seul à avoir des doutes sur les plans low cost d\'Aeroflot. L\'expert Alexeï Sinitsky estime que, exception faite de la demande d\'une retouche de la législation, les plans d\'Aeroflot sont vagues. \"L\'autorisation accordée de faire payer bagages et repas, ou de vente de billets non remboursables (ce dernier point était interdit jusqu\'ici, ndlr) est un pas dans la bonne direction, mais c\'est loin d\'être le plus important\", indique-t-il. Selon lui, la compagnie a raison de se préparer à la libéralisation du ciel, mais ajoute que \"l\'expérience montre que le lancement d\'une filiale low-cost par une compagnie nationale n\'est pas toujours couronnée de succès. Les modèles sont trop différents et les conflits d\'intérêts sont évidents\", assure t-il.Deux tentatives de low-cost ont déjà échoué en RussieL\'échec successif des deux seules compagnies aériennes low-cost russes a démontré que le segment était très risqué. SkyExpress, fondé en 2006, a assuré une activité tant bien que mal pendant cinq ans, avec des tarifs qui n\'étaient pas aussi attractifs que cela, et des retards de vols presque systématiques. Fondé en 2009, Avianova a vécu deux ans, jusqu\'à ce qu\'un conflit entre les deux actionnaires ne bloque complètement la compagnie. \"Les deux projets étaient viables\", estime un expert européen basé à Moscou. \"Mais il est clair que les grandes compagnies russes leur ont mis tant qu\'elles pouvaient les bâtons dans les roues, avec la complicité des autorités\".Arrivée des low-cost occidentalesEn revanche, plusieurs compagnies low-cost européennes (Air Berlin, Germanwings, Vueling) opèrent des liaisons vers Moscou depuis plusieurs années. Le régulateur britannique a accordé fin octobre à EasyJet l\'autorisation d\'opérer des vols quotidiens entre Londres et Moscou à partir de l\'année prochaine. La compagnie irlandaise Ryanair attend lui une réponse des autorités russes.