La solidité financière de CNP Assurances mise en doute

Réserves de participation bénéficaire à plat,  excès d'obligations souveraines en portefeuille, fonds propres trop justes, chiffre d'affaires en forte baisse...Le nouveau directeur général de CNP Assurances pourrait bien avoir à lancer un plan de redressement dès son arrivée. C'est en tout cas ce qu'affirment les Cassandre qui ne se privent pas d'exprimer leurs doutes sur la solidité de l'assureur alors que l'échéance de la nomination du nouveau patron de l'assureur vie se rapproche.Cette inquiétude sur l'état réel de la compagnie donne un autre éclairage au report de la désignation du nouveau directeur général. Prévue initialement ce jeudi 26 juillet, la nomination pourrait être repoussée à une date plus lointaine. Le quotidien Le Figaro affirmant ce lundi que le processus de sélection des candidats va être relancé et qu'ils seront tous auditionnés par le comité des nominations "dans les prochaines semaines".Car il ne s'agit pas seulement d'un choix d'homme (ou de femme) mais aussi d'un choix de stratégie. Si l'actuel directeur général par interim Antoine Lissowski, ancien directeur général adjoint et directeur financier, pouvait faire figure de favori jusqu'à il y a peu parmi les cinq candidats en lice, car  il incarne la continuité, ses chances pouraient être remises en question. Affecté par la crise, la CNP révèle une fragilité qui pourrait nécessiter des changements en terme d'allocations d'actifs et de redéploiement des activités.1-Plus de réserves pour soutenir le taux de rendement de l'assurance vie en eurosCNP a divisé par dix son stock de bénéfices gardés en réserve pour les années de vaches maigres. Cette réserve, appelée participation aux bénéfices différée passive s'élevait à 5,1 milliards d'euros fin 2010, elle n'était plus que de 535,7 millions fin 2011. Malgré cela l'assureur n'a pas servi de "taux canons" au titre de l'année 2011. En moyenne, il a rémunéré ses contrats autour de 2,70% alors que la moyenne du marché a atteint 3% et les meilleurs contrats ont distribué entre 3,50% et 4%.Les fonds en euros des contrats de CNP pour le réseau des Caisses d'épargne ont ainsi distribué entre 2,75% (Nuances 3D, Ricochet notamment) et 3% pour le plus élevé (Nuances Plus). Quant aux contrats d'assurance vie de CNP vendus par la Banque Postale, leurs fonds en euros ont rapporté entre 2,50% (GMO Poste Avenir), 2,92% (Ascendo) et 3,25% (contrat Cachemire).La réglementation autorise les assureurs à mettre de côté une partie des produits financiers de l'année afin de les redistribuer dans les années qui suivent car ces bénéfices appartiennent aux assurés. Une compagnie peut ainsi placer des bénéfices en réserve une année et en reprendre si les résultats de ses portefeuilles sont moins bons. Il s'agit d'un mécanisme de lissage qui évite les à-coups sur le rendement des fonds en euros, placement sûr par excellence dont le capital est garanti. Lors de l'Assemblée générale des actionnaires le 29 juin, Gilles Benoist, le directeur général sortant, avait reconnu que le "choc de la dette grecque  s'est traduit par une perte pour la CNP ce qui a eu un impact sur le rendement des contrats". Mais "ce choc là ne se reproduira pas en 2012", avait-il estimé. A voir l'évolution de la situation en Espagne ces derniers jours, on a toute les raisons de s'inquiéter. Or fin 2012, la CNP manquera de cagnotte dans laquelle elle pourra puiser pour amortir la chute de performance et les éventuelles pertes sur ses placements.2-Une forte exposition aux dettes souveraines et aux actionsA fin 2011, CNP Assurances comptait 100,1 milliards d'euros en obligations d'Etat (valeur brute) contre 86,26 milliards fin 2010. Le bilan s'est surtout gonflé en obligations d'Etat françaises puisqu'elles représentent  54,1 milliards d'euros fin 2011 contre contre 34, 4 milliards. Certains spécialistes s'interrogent aujourd'hui sur la pertinence d'un tel choix alors que les taux obligataires français sont dramatiquement bas. "Il aura fallu se diversifier davantage en obligations d'entreprises ou en immobilier par exemple", affirme un connaisseur du sujet.Parmi les autres grands postes d'obligations souveraines à fin 2011 : la Belgique 8,9 milliards, l'Italie avec 7,8 milliards (contre 10,3 milliards fin 2010), l'Autriche 6,1 milliards en 2011( contre  7 milliards en 2010) ) et l'Espagne 5,2 milliards fin 2011 contre 8,6 milliards fin 2010. Quant à la Grèce, elle ne représente plus que 547 millions d'euros fin 2011 contre 1,8 milliards fin 2010.Lors de la présentation de son bilan plutôt flatteur, après 14 ans de mandat de directeur général, Gilles Benoist a précisé fin juin que la compagnie était engagée dans une stratégie de réduction des dettes souveraines des Etats périphériques de la zone euro (-11% à fin mars 2012) dans le portefeuille et de baisse de la part des actions  : de 9,3% fin décembre dernier, elles sont passées à 8,6% à la fin du premier trimestre. Reste que le poids des obligations souveraines françaises s'est encore accru à 60,2 milliards d'euros sur 112,8 milliards au total.Cette réorientation à marche forcée fait suite à l'avis exprimé en janvier 2012 par l'agence Standard & Poor's. Elle avait considéré que "l'évolution des marchés financiers et (le) risque de crédit accru en zone euro (qui) ont affaibli la capacité du groupe à restaurer un niveau de fonds propres adéquat sur les deux prochaines années". La note de CNP Assurances (CNP) avait été abaissée de AA- à A+ avec perspective négative. Et même si cette dégradation était liée, en partie, à celle de l'Etat français et de ses émanations, CNP étant affiliée à un établissement public (Caisse des dépôts), l'agence soulignait que l'assureur "présente une plus forte exposition que ses concurrentes aux dettes souveraines périphériques et aux actions".Dans une étude du marché français de l'assurance en juin, l'agence a estimé les assureurs vie français connaîtront des périodes plus difficiles que les assureurs non vie (assurance dommage). "En raison de taux d'intérêts actuellement bas, les options et les garanties associés aux produits d'épargne coûtent de plus en plus cher", a ajouté S&P.3- Les fonds propres durs sont-ils suffisants ? Une première alerte a été donnée sur la solidité financière de CNP Assurances par Michel Bouvard en juin. L'ancien président de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts, l'actionnaire de référence de l'assureur CNP dont il détient 40% des actions, avait déclaré que la compagnie d'assurance était « aujourd'hui sous-capitalisée et susceptible d'avoir un jour besoin d'une augmentation de capital ». Un propos qui n'est pas anodin venant d'un désormais nouvel administrateur de la CNP puisque Michel Bouvard a été désigné par l'Assemblée générale du 29 juin pour siéger au conseil administration. Il s'est d'ailleurs en grande partie rétracté dans les jours suivants affirmant avoir été mal compris. Avec une marge de solvabilité à 113% (hors plus-values latentes) à fin mars, CNP est certes au delà des exigences réglementaires, tout comme elle l'était à fin 2011 (115%) mais modestement. Cette marge est atteinte grâce à la prise en compte de la dette subordonnée (4,7 milliards à fin 2011) en plus des fonds propres "durs" de 8,8 milliards d'euros (capital, primes d'émission, résultats cumulés et résultat consolidé de l'année). Un montant de fonds propres "durs" que certains observateurs jugent insuffisant au regard de ses 11,7 milliards de besoin de marge de solvabilité. Pour conforter ses fonds propres, la compagnie a proposé cette année une distribution en actions du dividende, resté stable en 2011 par rapport à 2010 (0,77 euro par action) afin de conserver le résultat de l'année dans ses comptes. Ce choix a "largement retenu l'intérêt des actionnaires de la société, notamment ses actionnaires de référence (la Caisse des dépôts et consignations, Sopassure et l'Etat) : 86,2 % des droits à dividende ont été exercés en faveur du paiement en actions", a souligné la compagnie vendredi 20 juillet.4-La valeur économique est-elle surestimée ? Le décalage entre la valorisation de l'action en Bourse et la valeur économique telle que la calcule la compagnie est très important. Le titre CNP a clôturé à 7,71 euro lundi 23 juillet (perdant 9,72% depuis le début du mois et 19,5% depuis le début de l'année) alors que la compagnie estime sa valeur économique globale à 11,8 milliards, soit 20 euros par action. Un écart qui traduit la différence de perception entre les investisseurs et les analystes d'une part et la compagnie elle même d'autre part, sur le potentiel de croissance et de rentabilité de ses activités.Très concentré sur l'assurance vie-épargne, la CNP est affectée par le fort ralentissement de la collecte en France mais aussi en Italie. Malgré la croissance du Brésil, le chiffre d'affaires est ressorti en baisse en 2011 de 7,1% à 30 milliards d'euros et de -12,9% au premier trimestre 2012. Par ailleurs, la valeur des affaires nouvelles recule de 8% à fin 2011. Et la valeur "d'In Force" (valeur générée dans le futur par les contrats actuellement en portefeuille) a diminué de 21% en 2011.Le résultat brut d'exploitation est en revanche resté stable au premier trimestre à 454 millions d'euros et le résultat net en augmentation de 1,8% à 275 millions profite notamment de réalisations de plus-values latentes de 75 millions (7 fois plus de plus-values engrangées qu'au premier trimestre 2011).Et demain ? Pour l'avenir, la CNP a déjà reconnu la nécessité de se donner un nouveau cap dans son document de référence 2011 : " En Europe, le groupe CNP Assurances entend promouvoir les activités les plus créatrices de valeur (prévoyance, emprunteur ) et mettre en avant les produits les moins consommateurs en fonds propres et les moins sensibles aux risques financiers (contrats en unités de compte)". Un gros travail en perspective : l'épargne représente les deux tiers de son activité avec un taux d'unité de compte d'environ 18% dans le groupe mais de 9% en France. Et l'encours est à 85% en épargne et à 80% en France. Reste à savoir quel directeur général se chargera de cette nouvelle orientation, à conduire en parallèle avec la renégociation d'ici 2015 du pacte d'actionnaires avec ses principaux réseaux de distribution que sont La Banque Postale et les Caisses d'Epargne.   
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