« Les 27 devraient coordonner leurs nouveaux impôts »

Par latribune.fr  |   |  1098  mots
Face à la Russie, il serait souhaitable qu'il y ait un seul interlocuteur européen, ce qui suppose une coordination préalable de nos politiques énergétiques. »sur la politique énergétique de l'Union européenneSi la Commission présente une propo-sition d'impôt sur l'énergie, nous devons nous mettre d'accord sur le fait qu'il favorise la lutte contre le changement climatique. »sur l'instauration d'une taxe carbone européennePour l'Espagne, il est important que l'Europe, dans sa recherche d'une plus grande compétitivité, n'abandonne pas pour autant son modèle social. »sur les projets de l'Europe d'ici à 2020L'Espagne veut faire de la coordination des politiques économiques des Vingt-Sept la priorité de sa présidence de l'UE. Qu'espère-t-elle concrètement ?Il y a un précédent encourageant : la coordination d'urgence dans les politiques face à la crise, sous l'impulsion du président Sarkozy et de la Commission. Elle s'est traduite dans le domaine financier par la possibilité d'octroyer des garanties publiques ou de recapitaliser les entités : auparavant, de telles mesures auraient été subordonnées à un long processus d'autorisation préalable de la Commission européenne. De même, nous avons pu décider rapidement d'accorder des aides publiques à certains secteurs prioritaires, comme l'automobile. Il faut continuer à avancer dans cette coordination. Par exemple, dans le domaine de l'énergie : face à la Russie, il serait souhaitable qu'il y ait un seul interlocuteur européen, ce qui suppose une coordination préalable de nos politiques énergétiques. Nous pouvons également nous coordonner dans certaines politiques d'avenir, dans des domaines aussi variés que l'économie verte ou les véhicules électriques.L'un des premiers tests de cette coordination sera le retrait progressif des mesures de soutien budgétaire. Comment y procéder alors que la reprise n'est pas encore au rendez-vous partout ?Les modalités concrètes de la crise dans les différents pays, comme les mesures de relance qu'ils ont prises, sont corrélées à leurs modèles de croissance respectifs : si l'Allemagne, pays exportateur par excellence, a vu se contracter son PIB, c'est parce que ses ventes à l'étranger se sont réduites. Et les mesures dont elle avait besoin étaient donc liées à l'appui au secteur extérieur. Mais elle sait qu'elle pourra sortir de la crise avec le même modèle qui était le sien auparavant. C'est pourquoi elle a pu, dans le secteur industriel, adopter des mesures temporaires de réduction du nombre d'heures travaillées. Elle savait que la plupart des travailleurs retrouveraient ensuite leur emploi au sein de leur entreprise. Le cas de l'Espagne est différent : avec l'écroulement de la construction, beaucoup de travailleurs ont perdu leur emploi dans ce secteur, et nombre d'entre eux ne retrouveront pas de travail dans la construction, même s'il existe en Espagne un potentiel en matière de réhabilitation du patrimoine immobilier. Dans l'UE, il y a avant tout une différence entre les pays qui pourront sortir de la crise avec le même modèle qu'auparavant et ceux qui ne le pourront pas. Obama a-t-il eu raison de mettre en oeuvre un impôt sur les établissements financiers pour compenser les aides publiques reçues ?Je crois que c'est une mesure qui a tout son sens? dans le pays où elle est envisagée. Les aides publiques à la banque y ont été énormes. En Espagne, ce n'est pas le cas : nous nous sommes contentés d'octroyer des garanties au secteur financier, avec un taux de rémunération tel qu'elles rapportent en fait déjà, en termes nets, de l'argent à l'État. Le Frob, notre Fonds public de restructuration bancaire, dispose de 90 milliards d'euros, mais les aides qui lui ont été jusqu'ici demandées par les caisses d'épargne en voie de fusion ne dépassent pas les 10 milliards d'euros. Croyez-vous à une plus grande convergence des politiques fiscales au sein de l'Union européenne ?Si l'on met en oeuvre de nouveaux impôts, il serait souhaitable, de manière générale, qu'ils soient coordonnés. Dans le secteur financier, par exemple, il faudrait qu'ils soient le plus homogènes possible entre les 27 pour être effectifs. Certaines mesures comme la taxe Tobin n'ont d'ailleurs de sens que si elles sont globales. Craignez-vous l'émergence d'un dumping fiscal ?Évidemment. Mais nous bataillons pour que le niveau de transparence fiscale soit uniforme au sein de l'UE : nous espérons que le paquet de mesures pour lutter contre l'évasion fiscale puisse être approuvé durant notre présidence. Mais ce qui serait contradictoire, c'est d'adopter en même temps dans les différents pays des mesures fiscales nouvelles qui aillent dans un sens contraire à cette harmonisation, ce qui stimulerait à long terme l'évasion fiscale. Tous les efforts d'harmonisation fiscale au sein de l'UE ont jusqu'ici été vains. Mettons-nous au moins d'accord sur les objectifs. Par exemple en matière d'économie verte : si la Commission présente une proposition d'impôt sur l'énergie, nous devons tous nous mettre d'accord sur le fait qu'il doit viser à lutter contre le changement climatique.L'Union s'est fixé en novembre dernier de nouveaux objectifs pour 2020. Quelle sera la contribution de l'Espagne à cette stratégie ?La stratégie 2020 doit être basée sur trois axes : une économie durable du point de vue économique, social et environnemental. Économique, avec une combinaison de finances publiques équilibrées et de meilleure compétitivité. Social, avec une capacité de création d'emplois de qualité. Et environnemental, avec la lutte contre le changement climatique. Pour l'Espagne, il est important que l'Europe, dans sa recherche d'une plus grande compétitivité, n'abandonne pas pour autant son modèle social, et cela malgré des perspectives démographiques qui se traduiront par un coût plus élevé des prestations sociales. L'échec de l'agenda de Lisbonne ne prouve-t-il pas qu'il faut prévoir des sanctions pour que les objectifs deviennent réalité ?Je ne comprends pas le débat qui a surgi à ce sujet. N'oublions pas que nous avons construit le Marché unique sur la base de mesures de rétorsion de la Commission lorsque les règles qu'il impliquait n'étaient pas respectées. Cela ne signifie certes pas que nous allons automatiquement sanctionner ceux qui n'atteignent pas les objectifs de la stratégie 2020. Mais il faut s'assurer que chacun travaille réellement en faveur des objectifs fixés d'un commun accord. Cela ne veut pas dire forcément des mesures coercitives : rendre publique une liste des pays avec le degré de réalisation des engagements qu'ils ont acceptés, cela a aussi son importance.