Le « Times » ose l'Internet 100 % payant

Par latribune.fr  |   |  528  mots
Un tournant pour le journalisme ». à en croire Rebekah Brooks, directrice de News International, le groupe de presse de Rupert Murdoch, a marqué mardi un changement fondamental pour la presse : le site Internet du « Times » est devenu payant. Pour une livre sterling (1,20 euro) par jour, ou deux livres par semaine (renouvelable automatiquement), les Britanniques auront accès à l'intégralité du journal du jour, ainsi que les articles en ligne couvrant les événements du jour. Le prix sera de 1,50 et 3 euros pour les lecteurs européens. Le nouveau site (thetimes.co.uk) deviendra complètement inaccessible aux non-abonnés à partir de la semaine prochaine.« C'est la seule façon d'avoir un modèle économique durable pour le journalisme de qualit頻, estime Peter Harding, le rédacteur en chef du « Times ». Le quotidien est structurellement déficitaire (ses comptes exacts ne sont pas dévoilés, mais il perd « un montant significatif », selon son rédacteur en chef), et sa diffusion a baissé de 15 % depuis un an.En devenant le premier journal britannique à être entièrement payant sur Internet, le « Times » prend des risques. Ce mardi, sa « une » Internet, dont l'esthétique est très proche de celle du journal papier, était consacrée au discours de la reine au parlement, avec un déroulé minute par minute de l'événement. Mais les sites internet de la BBC, du « Guardian » et du « Daily Telegraph » - entre autres - proposaient la même chose, avec en plus la vidéo du discours, entièrement gratuitement.L'espoir de Rupert Murdoch pourrait être que les autres journaux britanniques le suivent dans le tout payant. Mais le « Guardian », dont le site rencontre un grand succès, a déjà rejeté cette idée. Et la BBC, par définition gratuite, ne changera pas.Pari dangereuxJohn Witherow, le rédacteur en chef du « Sunday Times », reconnaît lui-même que le pari est dangereux. « La vaste majorité des lecteurs en ligne - peut-être plus de 90 % - va être perdue quand le site deviendra payant », affirmait-il récemment. Peter Harding, sans confirmer ce chiffre, estime que cette perte, sur 20 millions de visiteurs uniques par mois, n'est guère importante : « nous avons des millions de personnes qui viennent lire un ou deux articles par mois, qui sont comme des gens qui font du lèche vitrine et ne rentrent jamais dans les magasins. En revanche, certains ont développé depuis deux ou trois ans l'habitude de nous lire en ligne et ce qui est important pour nous est qu'ils continuent à lire. »Rupert Murdoch peut-il réussir, là où tant d'autres ont échoué dans le passé ? « Personne ne le pense, mais tout le monde l'espère, répond Steve Hewlett, présentateur du Media Show, une émission sur la BBC. La question est de savoir ce que l'on veut sauver : les journaux ou le journalisme ? Le « ?Guardian? gagne environ 40 millions de livres (47 millions d'euros) par an grâce à son site Internet. Est-ce assez pour financer son entreprise actuelle, avec ses camions et ses kiosques à journaux ? Absolument pas. Est-ce qu'une organisation journalistique internationale répondant aux principes du ?Guardian? peut fonctionner pour 40 millions de livres ? Absolument. » n