Quelles perspectives pour l'Egypte avec l'élection de Mohamed Morsi ?

Quels pouvoirs pour le Président ?Au lendemain de la dissolution du Parlement, dans un addendum constitutionnel, le Conseil suprême des forces armées (SCAF) s\'auto-attribue une part conséquente du pouvoir exécutif : formation de la Constituante en cas de blocage, signature des accords et traités et... adoption du budget. Celui ci, qui avait commencé à être discuté, a d\'ailleurs été transmis jeudi dernier par le gouvernement sortant aux autorités militaires en charge de la transition malgré les critiques du parti Liberté et Justice qui parle de « conspiration » contre le nouveau Président. Il est vrai que le budget prévoie des dépenses publiques en augmentation, principalement des hausses de salaires et peu d\'investissements. Le budget a été transmis par Fayza Abou Naga, la ministre de la Coopération internationale, qui a fait partie des gouvernements sous la présidence Moubarak depuis 2002.Affrontement ou négociations ?Les frères ne dédaignent pas jouer sur plusieurs tableaux. Quitte à diffuser des messages contradictoires en fonction de leur audience. Ainsi, à peine les résultats connus dimanche, Mohamed el Beltagy, un cadre des Frères musulmans qui à l\'oreille de Tahrir a assuré que le sit-in sur la place continuerait jusqu\'à ce que le Président ait tous les pouvoirs qui lui sont dus. Dans son discours, Mohamed Morsi s\'est posé en président de tous les Egyptiens et après avoir célébré la Révolution et les martyrs a loué, dans l\'ordre, l\'armée, la police et la justice. De nombreux analystes pointent que « l\'Etat profond » toujours en place malgré la Révolution ne laissera pas les coudées franches au nouveau président. Des informations sur les tractations entre les Frères et l\'armée filtrent depuis plusieurs jours. Mais l\'affrontement institutionnel n\'est pas à écarter, estime Khalil al-Anani, spécialiste de politique égyptienne et du mouvement islamiste : « Il est possible que Morsi adopte une nouvelle déclaration constitutionnelle qui lui donne plus de pouvoir à lui et au gouvernement, ainsi il ne sera plus lié par le cadre imposé par le SCAF.» Dans ce cas-là, une nouvelle crise politique est à craindre.Une coalition avec qui ? Dès la semaine dernière, des ouvertures ont été faites vers d\'autres partis et mouvements. Interviewé par La Tribune, Hassan Malek, un haut responsable des Frères et homme d\'affaires, lançait un appel « à toutes les composantes de la société égyptienne et à tous les partis, le temps de la compétition politique est derrière nous, il nous faut travailler ensemble ». Mohamed Morsi a annoncé la formation d\'un gouvernement de coalition regroupant les différentes composantes qui l\'ont soutenu et qui couvre un spectre politique très large, des salafistes jusqu\'aux mouvements révolutionnaires comme le 6 avril très marqué à gauche.L\'attitude de la rueLa place Tahrir a exulté hier. De même des scènes de joie ont éclaté un peu partout dans le pays. Les attentes de la rue égyptienne sont énormes. La mobilisation a été forte toute la semaine sur la place et la pression populaire a sûrement compté dans l\'issue de l\'élection. Beaucoup de manifestants sont loin de donner un chèque en blanc aux Frères. C\'est le cas de Mohamed Othman, il a passé la nuit de la veille de l\'annonce des élections sur la place. Sur sa tente plantée à l\'entrée de la place Tahrir, il est écrit « Pain-Liberté-Justice sociale », un des slogans phares de la Révolution. « Je suis de Choubra, un quartier pauvre, je suis avocat ,mais je n\'ai pas de travail. La victoire de Morsi est indispensable pour en finir avec l\'ancien régime mais il est attendu au tournant, il a été élu grâce à nous, on veut qu\'il s\'occupe de nos problèmes », prévient le jeune homme qu qui a voté pour le nassérien Hamdine Sabahi au premier tour.Plus de 40% d\'Egyptiens vivent avec moins de deux dollars par jour, le chômage frise les 30% chez les jeunes, l\'inflation en baisse depuis le début de l\'année reste forte, autour de 8% : la situation économique et sociale de l\'Egypte est tendue.L\'extérieur ? Devant le retard pris pour l\'annonce des élections, les Etats-unis et la France avaient rappelé leur souhait de voir les autorités militaires transmettre le pouvoir à un président élu comme promis le 1er juillet. Dimanche, de nombreuses chancelleries ont salué la victoire de Mohamed Morsi de façon optimiste. Dans son adresse, Mohamed Morsi a tenu à rappeler qu\'il honorerait les traités internationaux qui lient l\'Egypte. Les Frères musulmans sont sur cette ligne depuis leur entrée en campagne, et l\'ont assuré à plusieurs reprises dans les médias comme aux officiels occidentaux. Le traité de paix avec Israël n\'est donc pas en jeu. Du point de vue économique, si les responsables Frères musulmans ont assuré que les QIZ (zones économiques dont les produits fabriqués avec un certain nombre de composants israéliens sont exemptés de taxe aux Etats-Unis) seraient maintenues, ce n\'est pas le cas du traité de gaz conclu avec Israël. Très impopulaire, cet accord signé sous l\'ère Moubarak et portant sur la livraison de gaz à l\'Etat hébreu à prix bradés a de toute façon été suspendu en avril dernier, pour différend commercial.

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