La fourme de Montbrison, une émancipation tardive

Par latribune.fr  |   |  456  mots
Tyrosémiophile d'origine normande, Étienne de Banville collectionne les étiquettes de camembert. Installé depuis une quarantaine d'années à Saint-Étienne, il s'intéresse aussi aux fromages au lait de vache de sa région d'adoption, aux fourmes d'Ambert et de Montbrison qui ont longtemps cohabité sous la même appellation d'origine contrôlée (AOC), jusqu'à leur séparation en 2002. Ces trente ans de vie commune ont nettement profité à la fourme auvergnate dont la production a décuplé entre 1953 et 2000, alors que le tonnage de sa cousine forézienne stagnait à moins de 500 tonnes. « En se libérant de la tutelle de sa voisine, la fourme de Montbrison n'a pas encore réussi à sortir d'un certain anonymat », déplore cet ancien économiste du CNRS.L'appellation montbrisonnaise est relativement récente. Elle s'est imposée tardivement sur les étals fromagers, dans les années 1930. En juin 1945, un décret officialise les fourmes de Pierre-sur-Haute, d'Ambert et de Montbrison. Les zones de production délimitées aux départements du Puy-de-Dôme et de la Loire sont élargies à deux cantons du Rhône entre 1948 et 1972, puis dans le cadre de l'AOC, en 1972, à cinq cantons du Cantal où sont implantées d'importantes unités de production.Méconnue à l'extérieur de sa zone de production forézienne, la fourme à croûte orangée, pâte blonde, souple et marbrée de bleu, a longtemps été boudée par les Stéphanois qui lui préféraient les bleus de Laqueuille et de Gex. « La fourme n'est pas le fromage des mineurs, observe Étienne de Banville. C'est plutôt un fromage de riche », un fromage de fête aussi, produit traditionnellement en estive, en altitude dans les jasseries des monts du Forez où il s'imprègne des parfums des fleurs de bruyère et de gentiane. Il sera affiné à point à Noël. Les premières fromageries ont été créées par des coquetiers qui allaient de ferme en ferme pour collecter beurre, oeufs, fromages et volailles qu'ils revendaient en ville. Aujourd'hui, la production de fourme est contrôlée par deux groupes : Lactalis, qui a racheté la fromagerie du Pont de la Pierre, et Forez Fourme repris en 2010 par Jean-Pierre Durris, ancien directeur général du groupe sucrier Tereos. Il veut faire participer les producteurs au rachat de l'entreprise à hauteur de 35 % et compte investir à nouveau dans l'outil industriel pour augmenter ses capacités et décrocher des marchés à l'export. Un seul producteur indépendant, Hubert Tarit, perpétue un certain savoir-faire artisanal. Le chef stéphanois Stéphane Laurier propose de cuisiner la fourme de Montbrison en papillote au-dessus d'endives et d'un filet de truite ou simplement avec des pommes de terre et des crevettes.Vincent Charbonnier, à Saint-Étienne