Couleuvres centristes

Par latribune.fr  |   |  354  mots
L e député centriste est un animal singulier, qui vit en troupeau de petite taille et broute dans l'hémicycle. C'est une bête qui a bon c?ur, parce qu'elle est sensible. Elle partage son temps entre deux occupations différentes, mais complémentaires : tantôt le centriste pousse son cri pour demander plus de justice fiscale, tantôt il avale des couleuvres ? le centriste est sensible à la misère du monde, mais aussi au rapport de force politique. Un cri, une couleuvre. Sur le bouclier fiscal par exemple, il y a quelques mois. Sur la réforme de la taxe professionnelle, la semaine dernière. Ou encore aujourd'hui sur la contribution exceptionnelle qui frapperait les résultats des banques. Cette disposition a été votée dans la fièvre et la confusion vendredi soir, elle devrait être annulée aujourd'hui, conformément aux souhaits du gouvernement. Un cri, une couleuvre.On comprend bien la motivation du gentil centriste. Les banques et leur comportement aberrant sont en partie à l'origine de la crise. Or, sauvées par l'intervention publique, elles affichent aujourd'hui des profits insolents. Le financier George Soros ne déclarait-il pas ce week-end que les milliards gagnés par la finance étaient un cadeau des États et que le ressentiment du contribuable était justifié ? Soros est trop riche pour être centriste et il a, sur les questions financières, la lucidité dérangeante de celui qui pointe les imperfections du système qui a fait sa fortune.Reste la réalité, plus dérangeante encore. Une taxe sur les bénéfices des banques rassure les consciences, ce qui est précieux pour un centriste. Mais elle laisse en l'état l'incroyable et scandaleuse asymétrie de la finance : quand ça va mal, c'est la collectivité qui paye, car on ne peut laisser tomber les banques, sauf à prendre le risque de provoquer l'effondrement de toute l'économie. Et quand ça va mieux grâce à l'État, les milliards de profits réapparaissent, pour le bénéfice exclusif d'un petit nombre de privilégiés. nflenglet@latribune.fr françois lenglet