Chronique de la City  : les bonus dictent toujours leur loi

Par latribune.fr  |   |  543  mots
Rien n'y fait. Qu'ils trépignent, s'énervent, menacent ou supplient, les patrons des banques britanniques n'arrivent pas à se défaire de la polémique sur les bonus, bien qu'ils y aient tous renoncé à titre personnel pour l'année 2009. Depuis deux semaines, à l'occasion de la publication des résultats annuels, ils ont pourtant essayé de s'expliquer sur tous les tons.Il y a eu l'attitude menaçante, adoptée par Bob Diamond, la superstar de Barclays. Après quatre questions successives sur les bonus lors de la conférence de presse la semaine dernière, il a fini par exploser,s'adressant aux journalistes : « Si vous avez déjà décidé que le sujet était celui des rémunérations, il fallait écrire votre article avant de venir ici. »Win Bischoff, le président de Lloyds Banking Group, a tenté l'approche professorale : petites lunettes sur le bout du nez, il a doctement souhaité « trouver un modèle de rémunération qui permettrait à ceux qui reçoivent les bonus de ne pas se sentir obligés d'y renoncer ». « Minimum »Stephen Hester, le patron de Royal Bank of Scotland (RBS), a choisi un ton plus contrit. Avec son visage rougeaud et son ton direct, il a plaidé avoir versé à ses banquiers le « minimum ».Le problème est que le « minimum » reste tellement loin des références du commun des mortels que les banquiers n'ont aucune chance de convaincre le grand public. D'ailleurs, en reconnaissant que « bien plus de centt » de ses banquiers avaient touché un bonus de plus de 1 million de livres, RBS a relancé la polémique. Ces « stars » méritent-elles vraiment de tels émoluments ? Malheureusement, la question n'est pas la bonne. Peu importe le « mérite » des banquiers ; ce qui compte est leur pouvoir de négociation. RBS, qui verse environ 27 % des revenus de sa banque d'investissement en rémunérations, est l'une des moins généreuses au monde. Cela lui pose des problèmes : environ Mille cinq cents personnes ont quitté cette division l'an dernier, en particulier un grand nombre de hauts dirigeants. L'exemple le plus spectaculaire s'est déroulé à Singapour en octobre, quand soixante-dix banquiers de RBS Coutts (sa banque privé) ont claqué la porte, rejoignant en partie la banque suisse BSI. C'était presque le quart de ses employés dans ce centre financier asiatique.« Dirigeants de qualit頻L'exemple illustre le double problème des bonus. D'une part, il s'agit d'une industrie mondiale, si bien que les banquiers de Singapour ne sont guère sensibles aux polémiques qui règnent à Londres. D'autre part, la concurrence est rude, et BSI était ravie de faire d'une pierre deux coups en recrutant de bons éléments tout en affaiblissant son rival. Stephen Hester se dit inquiet : « Mon principal défi en matière de ressources humaines est de conserver de hauts dirigeants de qualité. »Sous la menace, les dirigeants des banques sont ainsi pris en otage par leurs traders stars. Qu'ils le souhaitent ou non, ils devront passer à la caisse. La seule façon de changer les règles du jeu serait d'imposer de nouvelles règles mondiales. Mais l'accord passé lors du G20 à Pittsburgh, somme toute limité, a montré qu'il serait difficile d'aller très loin dans le domaine.