Immobilier : après la reprise, la rechute ?

Grand soleil et températures caniculaires pendant une décennie, ondées orageuses ces deux dernières années, ciel couvert avec éclaircies prévues pour 2010. Mais, au-delà, l'horizon s'assombrit et les nuages s'amoncellent. Voilà, en résumé, la météo immobilière depuis 1998.Contre toute attente, les transactions sont reparties à la hausse en fin d'année dernière. En Île-de-France, selon les notaires, elles ont bondi de 34 % entre novembre 2009 et janvier 2010. La baisse des prix a également été enrayée. La Fnaim a même relevé une légère hausse de 0,6 % en février (1,4 % pour les appartements) par rapport au mois précédent.Le phénomène est encore plus flagrant dans d'autres pays, où les marchés immobiliers sont très volatils comme l'Angleterre ou Hong Kong (lire les articles de notre dossier consacrés au sujet). Des prévisions optimistesParfois contradictoires, les nombreuses études immobilières s'accordent cette fois sur une année 2010 sans grand chambardement dans les prix. D'une baisse inférieure à 5 % (selon HSBC, BNP Paribas et Seeds Finance), à une hausse pouvant aller jusqu'à 3 % (Fnaim, Century 21), en passant par une stabilité (Crédit Foncier, Orpi, Crédit Agricolegricole). Un effondrement de l'immobilier est, en revanche, totalement exclu.Nombre d'experts se félicitent d'ailleurs de cet « atterrissage en douceur ». Atterrissage ? Rien n'est moins sûr. Si les prix ont décollé de près de 150 % entre 1996 et 2007, ils ont reculé d'à peine 15 % à 20 % entre 2008 et 2009. On est encore loin d'un retour à la normale, d'autant que les cycles immobiliers sont historiquement plus longs (6 à 9 ans) que ceux des marchés financiers...Malgré la baisse d'environ 5 % des prix, c'est paradoxalement en 2009 qu'une bulle immobilière risque de s'être formée. Car plusieurs facteurs ont soutenu artificiellement le marché.Facteur n° 1 : les taux de créditEntre octobre 2008 et décembre 2009, les taux du crédit immobilier sur 15 ans se sont effondrés de 5,30 % à 3,85 % en moyenne. Concrètement, pour un ménage pouvant rembourser 1.000 euros par mois sur 20 ans, cela représente une capacité d'emprunt supplémentaire de 20.000 euros, soit 13 % de mieux (lire l'article consacré aux crédits).De nombreuses transactions se débloquent aujourd'hui ainsi : le vendeur refuse de négocier plus de 5 % à 7%, mais l'acheteur profite de la baisse des taux pour emprunter un peu plus et conclure la vente. « Mais si les taux remontent, le phénomène va mécaniquement se reproduire... en sens inverse », prévient Emmanuel Ducasse, responsable des études au Crédit Foncier.Facteur n° 2 : la solvabilité des ménagesEn cas de remontée des taux, qui ne devrait toutefois pas intervenir avant le dernier trimestre 2010, le blocage sera d'autant plus important que les ménages ont rarement été aussi peu solvables. La courbe des salaires, d'abord, n'a que très faiblement augmenté par rapport à celle de l'immobilier (voir illustration).Un chiffre, calculé par le courtier en crédit Empruntis, est révélateur : avec des mensualités de 1.000 euros pour un emprunt sur 25 ans et 10.000 euros d'apport, un ménage pouvait acheter un logement de 132 mètres carrés en 1998, 54 en 2008 et 69 aujourd'hui. Preuve que la baisse des taux est loin d'avoir compensé la flambée de l'immobilier.Pis, pour la première fois, l'apport personnel des emprunteurs s'est mis à baisser (de 3,7 %) en 2009 à cause de la crise selon l'Observatoire crédit logement-CSA. « Et la solvabilité des ménages s'est dégradée de façon continue », ajoutait le professeur Michel Mouillart, lors de la publication de ces chiffres en janvier dernier.Facteur n° 3 : la réticence des vendeursMalgré le spectaculaire redressement en fin d'année dernière, la production de crédits a reculé de 20 % sur 2009. Quant aux transactions, elles se sont contractées dans l'immobilier ancien de 14 % selon le Crédit Foncier. Des chiffres, nettement plus élevés que ceux de la baisse des prix (? 5 %). Traduction ? Le marché se bloque : acheteurs et vendeurs préfèrent différer leur projet immobilier plutôt que de céder sur le prix.Mais, pour les ménages déjà propriétaires, un achat immobilier ne se reporte pas indéfiniment (agrandissement de la famille, mariage...). Si les taux remontent et que les acheteurs ne peuvent plus suivre, les vendeurs seront bien contraints de revoir tôt ou tard leurs exigences à la baisse.Facteur n° 4 : le « dumping » sur le neufDans l'immobilier neuf, le ciel semble dégagé : d'après le Crédit Foncier, les ventes se sont envolées de 36% entre 2008 et 2009, passant de 79.400 à 106.300 lots, sans toutefois retrouver le niveau de 2007. Sauf que cette embellie est en grande partie due à la kyrielle de mesures de soutien prises par le gouvernement en pleine crise (doublement du prêt à taux zéro, loi Scellier, Pass-foncier, etc.). Or, ces coups de pouce ne sont que temporaires. Les acquéreurs pourront-ils toujours privilégier le neuf lorsqu'ils seront écornés, voire supprimés ? Rien n'est moins sûr. D'autant que les coûts de construction devraient flamber dès 2011. En effet, les constructeurs intégreront de plus en plus de contraintes écologiques, telles que les BBC (bâtiments basse consommation), dont le surcoût peut aller de 5 % à 15% (lire l'article consacré au neuf).
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