Mourir riche, c'est avoir raté sa vie  !

À l'inquiétude économique et sociale des lendemains qui déchantent et désenchantent vient s'ajouter, en ce début d'année, la sourde angoisse du doute solidaire. Si nos concitoyens sont aussi généreux que les autres en matière de solidarité (tsunami en Asie ; Birmanie ; Haïti...), ils semblent avoir un comportement plus affectif que réfléchi. Comme dans la mesure de la notoriété, ils obtiennent de meilleurs scores en générosité assistée qu'en générosité spontanée. On pourrait argumenter à leur décharge que la notion d'État providence a réduit la part de philanthropie que chacun porte en soi. Preuve en est, les derniers résultats de la loi de défiscalisation (Tepa), qui a laissé aux fondations reconnues d'utilité publique la portion très congrue (moins de 10 %) des 950 millions d'euros allant principalement aux PME. Les assujettis à l'ISF ont dans leur immense majorité préféré « investir » dans des PME - ce qui en soi est louable - plutôt que d'adopter une démarche de don. Investir ou donner : ils ont choisi ! Au-delà de tout cela, force est de constater que la France est très en retard en matière de maturité philanthropique. Ainsi, le total des dons des particuliers et des entreprises aux États-Unis s'élèvent à quelque 260 milliards de dollars, soit 2,1 % du PIB. Si l'on appliquait le même ratio à notre pays, nous ne donnerions pas les 3 milliards d'euros qui ont été collectés en 2008, mais 35 milliards, soit dix fois plus.Si la croissance économique génère des inégalités, la récession n'en génère pas moins. Dans ces moments de turbulences, de séismes et de violents déséquilibres, il faut réinventer une nouvelle philanthropie faisant partie intégrante de la vie sociale et individuelle des plus nantis d'entre nous. En matière de philanthropie, rien n'est plus dommageable que la compassion. Ne vaut-il pas mieux une froide analyse des situations de notre société pour forger un jugement sur le croisement salutaire de l'intérêt personnel avec celui de l'intérêt général ? La raison peut ainsi plus librement orienter le regard sur une gestion du patrimoine qui se veut porteuse de sens.C'est d'ailleurs en ces termes que les «  nouveaux philanthropes », initiés par la Fondation d'Auteuil, définissent leur propos : « Nous pouvons aujourd'hui donner un sens supplémentaire à notre patrimoine, sans que cela déséquilibre notre vie, notre bien-être ou celui de nos enfants. Quand l'intelligence du coeur enrichit l'ingénierie financière et les avantages fiscaux, le don s'inscrit dans une perspective nouvelle et devient philanthropie. » Dans cet esprit, doit se développer une véritable culture du don. Rappelons-nous cette phrase d'un grand homme d'affaires, pour ne pas dire d'un grand affairiste du début du siècle, Andrew Carnegie : « Un homme qui meurt riche est un homme qui a raté sa vie. »Bien que notre pays ne soit pas le plus touché des pays de l'OCDE par la crise économique, la récession française reste la plus forte depuis la Seconde Guerre mondiale. Et s'il est une population qui prend de plein fouet cette crise, c'est bien celle des jeunes. Devant ceux qui sortent, bien ou mal, du système éducatif, les portes se ferment : stages, apprentissages et emplois se font plus rares et difficiles. En bien des domaines, l'État a touché les limites du possible ; les moyens manquent et les déficits grondent. Plus que jamais, le temps de la crise doit être celui d'une solidarité active et de la main tendue aux jeunes.La grande erreur serait de penser que donner est un acte à « fond perdu ». Donner est un choix de liberté. Cela peut se traduire par la notion d'avoir moins pour être plus. La France a un défi à relever dans ce domaine. Elle dispose d'un gisement colossal de solidarité encore largement inexploité. Chacun doit prendre conscience que cette solidarité est la matière première de notre humanité. nPoint de vue Philippe Chalmin Économiste, universitaire et animateur du cercle Cyclope
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